"Il faudra un gouvernement mondial. Après, ou à la place de la guerre ?" [Avent2020]

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Attali et Mélenchon, sur notre plateau

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Comment en sortir ? La crise financière qui balaie depuis plusieurs mois les pays de la zone euro bat encore son plein, même si les 20 heures regardent ailleurs en ce moment. Pour en sortir, faut-il choisir la rigueur ? Attendre la croissance ? Mieux se coordonner avec nos voisins, et notamment l'Allemagne ? Rembourser ou ne pas rembourser la dette ? Risquer l'inflation ? Tenter le protectionnisme ? Pour ne pas nous contenter du diagnostic, mais esquisser des solutions, nous avons convié deux rouleaux compresseurs médiatiques, mais aussi machines à idées : Jacques Attali, essayiste, ancien conseiller de François Mitterrand, aujourd'hui à la tête de la commission pour la libération de la croissance et auteur d'un récent livre sur la dette publique en Europe ; Jean-Luc Mélenchon, député européen et fondateur du Parti de gauche, a lu son livre et en discute avec lui sur le plateau (sur un ton plus apaisé que lors de son mémorable débat avec le "téléconomiste" Marc Touati).

Attali est passé dans la plupart des émissions audiovisuelles pour présenter son dernier livre. En répétant sur tous les tons qu'il y a urgence à régler le problème de la dette en France. Mais nos montages ne satisfont pas notre invité, qui rappelle que son "livre de 250 pages" vise à rappeler l'histoire de la dette en Europe, et à "dire ce qu'il convient de faire", très vite. Pourquoi très vite ? Mélenchon souligne un point intéressant de son livre : la France devra payer 59 milliards à ses créanciers en juillet, puis au mois de septembre. Et il faut trouver l'argent, c'est-à-dire… le ré-emprunter. (acte 1).

Mélenchon tente d'aborder la crise avec une vision marxiste, pour démontrer que certaines thèses de Marx ou de ses disciples sont validées aujourd'hui. Daniel essaye de le faire avancer plus vite... et se trouve pris en plein dans la fureur mélenchonienne ! L'orage passé, le politique délivre sa préconisation (déjà esquissée sur notre plateau il y a peu) : si les banques prennent la France à la gorge, il suffit "d'étrangler les étrangleurs", c'est à dire de décider qu'on ne remboursera qu'une partie de la dette ! Le "défaut", ou (version soft) le "moratoire" , voilà la solution… Attali n'est "pas d'accord" avec cette idée, mais reconnaît qu'elle a été appliquée de nombreuses fois dans l'histoire. Une des meilleures solutions de long terme, à ses yeux, serait que l'Union européenne puisse emprunter en son nom, et non plus chaque pays européen dans son coin. Un peu paradoxal, remarque Anne-Sophie : si les pays européens sont trop endettés, pourquoi l'Europe déciderait-elle de s'endetter en son nom propre ? "La manœuvre est complexe", reconnaît Attali.

Il préconise aussi la création d'une monnaie commune… mondiale. D'ailleurs, il pense "qu'il faut viser le gouvernement mondial". Et se demande simplement si ce gouvernement mondial se fera "à la place de la guerre, ou après la guerre"."Vous avez entendu ce qu'il vient de dire, là ?" demande Mélenchon, comme tétanisé. C'est l'occasion pour Daniel de demander à Attali, qui a vu se construire la monnaie unique, si "le couple franco-allemand" tant vanté n'est pas qu'une façon polie de désigner un système dans lequel les Allemands dictent leurs conditions à leurs partenaires (acte 2).

Nos deux invités se penchent ensuite sur la banque centrale européenne (BCE). Pour Mélenchon, il est urgent de "sortir la dette des Etats du marché" : aujourd'hui, pour combler leur déficit, les Etats transforment leurs dettes en titres financiers, achetés par investisseurs et spéculateurs de tout poil. Mélenchon souhaite que les Etats puissent emprunter directement à la BCE, aux taux très intéressants où elle prête aux banques privées. Mais aujourd'hui, la BCE a une seule mission : surveiller et contenir l'inflation. "La question mérite d'être sérieusement débattue", convient Attali, qui explique que cette option est pourtant mal considérée par certains économistes, qui estiment qu'elle ouvre la voie, justement, à l'inflation. S'ensuit un cours d'économie politique sur l'effet, théorique et réel, de l'inflation sur le "stock de la dette". Retour au concret avec Mélenchon, qui prend un certain plaisir à rappeler que dans le cas d'un prêt à un Etat "celui qui est le plus en danger, c'est celui qui a prêté l'argent"(acte 3)

Mélenchon examine ensuite "le sort de ces malheureux prêteurs". "Ce n'est pas vous, ce n'est pas moi, c'est des gens qui brassent des milliards". Attali objecte que "40 % de la dette française est prêtée par des Français", notamment par les banques, qui utilisent en partie l'argent des épargnants. Et si l'Etat décide de ne plus rembourser, les banques qui lui ont prêté ont de bonnes chances de faire faillite, et les épargnants seront touchés… Une remarque efficace, que Mélenchon évacue rapidement, pour se concentrer sur sa proposition de créer un système bancaire nationalisé. Pourquoi ? "Parce que ces gens-là ne fonctionnent que pour eux", tout simplement. Tout cela à l'échelon européen ? Attali est pour. A l'échelon national, il est moins convaincu (acte 4).

Et maintenant, quelles solutions ? Attali indique que "dans une hypothèse optimiste", la France a besoin de trouver 50 milliards d'euros rapidement, dans les deux prochaines années. Mais comment ? Là, l'essayiste qui avait démarré l'émission en assurant que son livre apportait des solutions, semble tout à coup moins assuré : "J'en saurai plus dans quelque temps, dans moins d'un mois : nous sommes en train d'y travailler au sein de la commission." Quelques pistes néanmoins : suppression du département, réduction du nombre d'offices HLM, réduction du nombre de fonctionnaires dans les collectivités locales… Mais il reste flou, et estime, après hésitations, "qu'on devrait pouvoir trouver 20 milliards d'euros par an". Il estime que dans l'hypothèse optimiste où la croissance des prochaines années "est à 2,5 %, on pourra faire sans augmentation d'impôts, et en réduisant les niches fiscales". Sinon… Bien sûr, Mélenchon n'est pas d'accord avec cette "logique comptable" : "Lui, il dit qu'il y a trop de dépenses, moi je dis qu'il n'y a pas assez de recettes !" Et pour finir, il développe quelques-unes de ses idées pour récupérer plus d'impôts (acte 5).

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