Émission antisémitisme : et si on recadrait le débat ?

La rédaction - - Pédagogie & éducation - 632 commentaires


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Un mois et demi déjà, et une émission d'Arrêt sur images qui ne passe décidément pas.  La chaîne décoloniale Paroles d'honneur nous a déjà consacré deux vidéos (ici et ici), et j'ai été personnellement interpellé sur le plateau de Hors-Série, par Judith Bernard, à propos de cette émission du 28 mars dernier, "antisémitisme, analyse d'un déni à gauche". Emission ASI dans laquelle je ne suis d'aucune manière intervenu, ayant lâché les manettes de la présentation depuis maintenant plus de trois ans. Sans parler des interpellations, en privé, d'abonnés, et d'invités potentiels. 

En substance, cette émission du 28 mars est accusée d'avoir mis trop rudement en accusation le député LFI Hadrien Clouet, à propos du fameux "visuel Hanouna" de LFI, taxé d'antisémitisme, avec l'aide de deux militants de collectifs juifs de gauche "sionistes", le collectif Golem et le RAAR, et en l'absence de tout défenseur de LFI au sein de ces fameux "Juifs de gauche", notamment le collectif décolonial Tsedek.

Situation paradoxale : alors que notre site, et notamment mon blog Obsessions, ont sans relâche déconstruit les imputations manipulatoires d'antisémitisme dirigées contre LFI, nous voici accusés, ponctuellement, de hurler avec les loups de la presse des milliardaires. 

Plutôt que de répondre en ordre dispersé, il m'a semblé plus pertinent d'organiser un "debrief" en présence des concernés, en l'occurence l'équipe d'Arrêt sur images, notre directeur-rédacteur en chef Robin Andraca, son adjointe Alizée Vincent, et notre présentatrice Nassira El Moaddem, que je remercie de s'y être pliée. 

Comme les autres, cette émission ne satisfera pas tout le monde, et n'éteindra sans doute pas la controverse. Mais elle rappelle, à quelques jours de la célébration de notre 30e anniversaire, que cette disposition à l'autocritique est au coeur de notre identité, depuis le premier jour. DS.

DroitS de réponse 

Suite à la publication de notre émission, Robert Hirsch et Jonas Pardo nous ont fait parvenir, ce 12 mai 2025, les droit de réponse suivant, que nous publions ci-dessous en intégralité : 

Robert Hirsh : "Vous avez cru bon de faire une émission de regard critique sur celle du 28 mars à laquelle j'ai participé, avec Jonas Pardo et Hadrien Clouet, député LFI. Je ne reviendrai pas sur l'ensemble de l'émission, mais sur une réflexion de Daniel Schneidermann qui me pose problème. Il a affirmé que Jonas Pardo et moi étions des « sionistes ». Je souhaite donc préciser ce point. 

Il n'est pas illégitime, vu ce qu'a été le XXème siècle pour les Juifs et Juives, qu'un certain nombre aient considéré qu'il était nécessaire de construire un Etat juif. Cela ne fait pas d'eux des soutiens de l'actuel gouvernement israélien, et nombre de celles et ceux qui manifestent contre sa politique sont sans doute sionistes. Or, dans une partie de la gauche, accoler à un individu l'épithète     « sionistes » revient à considérer qu'il soutient les massacres perpétrés à Gaza. De là à parler de culpabilité collective des Israéliens, voire des Juif/ves, il n'y a qu'un pas, fort dangereux.

Pour ma part, je n'ai jamais été sioniste, parce que la réponse en termes de construction nationale à l'antisémitisme ne me convenait pas. D'autre part, il me semblait que le projet sioniste, se heurtant à la présence d'une autre population, palestinienne, risquait de faire des Juifs/ves en Israël des oppresseurs. Je préférais la réponse internationaliste, celle d'un socialisme mettant fin à l'antisémitisme. Avec le recul, c'est la version bundiste, ménageant la spécificité culturelle juive, qui a ma préférence.

Force est de constater que le siècle passé n'a pas répondu aux espoirs socialistes et que le mouvement ouvrier ne s'est guère mobilisé contre l'antisémitisme. Sans parler des dénis et dérives de ces dernières années. Le sionisme s'est donc imposé chez les Juifs et Juives après la Seconde Guerre mondiale et le désastre qu'elle a constitué. On voit bien aujourd'hui en quoi il est, lui aussi, une impasse. Et en quoi il n'a nullement mis fin à l'antisémitisme. Je ne suis donc nullement sioniste, mais je n'accepte pas qu'on utilise ce terme comme s'il était synonyme de soutien à l'extrême droite israélienne."

Jonas Pardo : "D'après Daniel Schneidermann, Robert Hirsch et moi-même serions des « sionistes ». Ce mot désigne habituellement les personnes qui considèrent qu'Israël a le droit d'exister. C'est d'ailleurs le cas d'Hadrien Clouet et de son mouvement, la France Insoumise, qui prône la solution à deux États, un État juif et un État palestinien, comme solution au conflit israélo-palestinien. Mais Clouet n'est pas traité de « sioniste » à la différence de Robert Hirsch et moi-même. 

Contrairement à ce que Daniel Schneidermann affirme, ni Robert Hirsch ni moi ne nous définissons comme sioniste par internationalisme. Mais l'accusation de « sionisme » de Schneidermann n'est pas une critique du sionisme mais une tentative de nous disqualifier en diffusant une suspicion. Les Juifs qui ne se taisent pas devant l'antisémitisme seraient« insincères » et auraient un double discours. En place d'être honnêtement préoccupés par la montée de l'antisémitisme, les incendies de synagogues, les ratonnades, le harcèlement voire le viol d'enfant dansdes collèges, ils seraient des soutiens cachés de Netanyahu et des massacres à Gaza. 

Il est curieux également de me reprocher de ne pas « parler d'instrumentalisation de l'antisémitisme » lorsque l'événement qui m'a fait connaître est justement d'avoir confronté physiquement le Rassemblement National pour briser la fable de la dédiabolisation lors de la marche contre l'antisémitisme de novembre 2023. Enfin, par rapport au fait de tenter de me discréditer en me qualifiantde « militant », il se trouve que j'anime des colloques universitaires, que notre Petit manuel de lutte contre l'antisémitisme (Editions du Commun, 2024) coécrit par Samuel Delor est qualifié de « remarquablement riche et exact » par Pierre Savy, historien spécialiste de l'histoire des Juifs, qu'il fait l'objet d'une dizaine de recensions dans la presse scientifique, syndicale et parmi les mondes juifs." 



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