"Bernard Arnault, soit il possède les médias, soit il les finance par la pub"

La rédaction - - Financement des medias - 25 commentaires


Et si, à force de se concentrer sur Vincent Bolloré, on en oubliait les autres ? Car il n'est pas seul à être milliardaire français et à posséder des tas de médias, avec des intentions plus ou moins louables. Mais les autres sont éclipsés, depuis quelques années, par le projet médiatique réactionnaire et sans égal du milliardaire breton.

Concentrons-nous sur Bernard Arnault. Quels médias détient le patron de LVMH ? Pourquoi les a-t-il achetés, et dans quel but ? Pour tenter de répondre à ces questions, trois invités : Khedidja Zerouali, journaliste à Mediapart, elle travaille depuis plusieurs années sur l'envers du décor de l'empire LVMH. Alexandre Berteau est journaliste pour le média la Lettre, et suit de près l'activité de tous ces milliardaires. Enfin, David Assouline est membre du bureau du Parti Socialiste. Il a interrogé Bernard Arnault, et son rapport aux médias, dans le cadre d'une commission d'enquête qui s'est tenue au Sénat en 2022. 

"Il ne crée rien"

Bernard Arnault, trésor national et plus grand créateur d'emplois en France ? L'argument est souvent répété sur BFMTV, RMC ou encore CNews. Mais est-ce vrai ? Pour Khedidja Zerouali, journaliste à Mediapart, c'est "factuellement faux". Ou du moins faudrait-il s'interroger sur le nombre d'emplois détruits à chaque rachat d'une entreprise par Bernard Arnault, dit-elle. Toujours selon la journaliste, l'homme le plus riche du monde n'est d'ailleurs pas un "créateur" d'emplois, mais un brillantissime repreneur d'entreprise. "Ce n'est pas un visionnaire dans l'artisanat, la mode ou le luxe. Lui, il a une vision sur la finance", estime-t-elle. 

"Il n'y a eu aucune reprise"

Pourquoi aucun des révélations de Mediapartsur l'envers de l'empire de luxe LVMH n'a été repris dans les médias français ? Pour Khedidja Zerouali, l'explication est simple. "C'est un annonceur énorme, évidemment qu'ils ne reprennent pas ce genre d'article." Constat partagé par Alexandre Berteau, journaliste à La Lettre. "Les médias qui écrivent sur LVMH sont le plus souvent des médias indépendants. Effectivement, quand LVMH n'est pas propriétaire d'un média, c'est souvent le premier annonceur. C'est un vrai sujet." Ajoutant qu'en plus, Bernard Arnault dispose d'une armée de communicants, qui connaissent bien la plupart des journalistes influents de Paris, et tentent, parfois avec succès, de les dissuader d'écrire sur leur patron, ou sur son entreprise. 

"Une violence sociale terrible"

Envers du décor, une nouvelle fois : on s'arrête en plateau sur une séquence culte : l'interview de Bernard Arnault, par Léa Salamé, en 2017, dans l'émission "Stupéfiant" sur France 2 (visible ici en intégralité). Au cours de celle-ci, la journaliste questionne le patron multi-milliardaire sur sa "sensibilité" aux souffrances de ses employés. Promis, il y est sensible, bien évidemment. Là aussi, Khedidja Zerouali n'est pas d'accord : "Nous, on a fait des papiers sur les vendeuses de la Samaritaine. Il y a pleins de burnouts et de départs (...) Ils sont dans une violence sociale terrible envers leurs salariés." Mais aussi avec leurs sous-traitant·es, selon la journaliste, qui se plaint de manquer de temps pour enquêter sur LVMH. "Nous n'avons pas assez de temps à Mediapart pour faire toutes les enquêtes que l'on voudrait sur les conditions de travail sur LVMH, tellement on reçoit d'alertes."

Pour aller plus loin

- Notre enquête sur comment, récemment, le Parisien a invisibilisé LVMH dans son journal (dont le propriétaire est Bernard Arnault, patron de LVMH). 
- L'ensemble du dossier "LVMH : l'envers de l'empire du luxe" sur Mediapart
- L'enquête d'Alexandre Berteau sur les dessous du pacte de non-agression entre Bernard Arnault et Vincent Bolloré.

Lire sur arretsurimages.net.

Cet article est réservé aux abonné.e.s