Antisémitisme : "Les Juifs ne sont pas dupes de l'extrême droite"
La rédaction - - Silences & censures - 163 commentaires
Que se passe-t-il depuis le 7 octobre ? Le ministère de l'Intérieur annonce une hausse spectaculaire du nombre de signalements d'actes antisémites : 4 000 en un mois reçus par la plateforme Pharos. Beauvau a recensé de son côté plus de 1 000 actes antisémites. À titre de comparaison, pour l'année 2021, on en comptabilisait 589. En réponse, une marche contre l'antisémitisme est organisée dimanche à Paris, mais ça coince : le RN et Renconquête seront présents. Faut-il défiler à leurs côtés ? En toile de fond, il y a aussi la question de l'importation du conflit israélo-palestinien, formule vieille comme le conflit, désuète peut-être. On en discute avec nos deux invités du jour, qui portent deux regards radicalement différents sur ces questions, deux visions qui traversent et peut-être fracturent aujourd'hui la communauté juive en France. L'un ira défiler dimanche, l'autre pas. Nous recevons cette semaine Émile Ackermann, rabbin d'une synagogue orthodoxe moderne à Paris, auteur de N'oublions pas qui nous sommes : réflexions sur les minorités visibles (Seuil, 2023) ; Simon Assoun, coordinateur de l'Union juive française pour la paix et membre de Tsedek !, collectif de Juives et Juifs décoloniaux.
Les responsables communautaires doivent-ils se positionner sur le conflit ?
Pour Simon Assoun, les prises de position des représentants de la communauté juive de France accentuent la pression sur ses membres, en les englobant dans un soutien à Israël et à l'action militaire en cours à Gaza. Une vision que réfute Émile Ackermann, qui y voit une inversion accusatoire : avant de les soutenir et de lutter contre l'antisémitisme, il faudrait que la communauté juive prenne d'abord position sur le conflit israélo-palestinien.
La gauche a-t-elle délaissé la lutte contre l'antisémitisme ?
Émile Ackermann juge qu'une partie de la gauche dite radicale aurait abandonné la lutte contre l'antisémitisme au profit de calculs politiciens, plusieurs déclarations de Jean-Luc Mélenchon à l'appui. Il cite notamment la fois où Mélenchon avait estimé qu'Éric Zemmour "reproduit beaucoup de scénarios culturels liés au judaïsme"
, ou quand il avait fait référence aux "ukases arrogants des communautaristes"
du Crif. Pour Simon Assoun, une telle assertion – qu'il rejette en l'état – ne peut s'appuyer seulement sur des citations du leader insoumis, et demande une vraie analyse.
La tentation de l'extrême droite
Éric Zemmour et Marine Le Pen seront présents à la marche contre l'antisémitisme, tentant de parachever un projet de longue date : récupérer le vote de la communauté juive. Une stratégie dont les Juives et Juifs de France ne sont "pas dupes", juge Émile Ackermann, même si le courant existe au sein de la communauté. Un courant qui s'explique, selon Simon Assoun, par une raison simple : "Les Français de confession juive, comme les autres citoyens de ce pays, sont influencés par les discours qu'ils entendent, et y sont perméables comme les autres."
Pour aller plus loin
- N'oublions pas qui nous sommes : réflexions sur les minorités visibles (Seuil, 2023), le livre d'Émile Ackermann.
- Le site du collectif Tsedek !, auquel appartient Simon Assoun.
- Une enquête de Mediapart sur les inquiétudes qui traversent la communauté juive depuis le 7 octobre.