Alcool : "On en fait un marqueur de l'identité française"

La rédaction - - Coups de com' - 43 commentaires


Le gouvernement a-t-il reculé face à la pression des lobbys ? Le 11 septembre, la "cellule investigation" de Radio France révélait que deux campagnes anti-alcool avaient été purement et simplement supprimées par le ministère de la Santé. En cause selon l'enquête : l'influence des producteurs d'alcool, puissants en France. Avec la Coupe du monde de rugby, l'occasion était pourtant parfaite pour rappeler que l'alcool cause chaque année 49 000 morts au pays du vin et du champagne. Côté producteurs, on répond que l'alcool c'est aussi un savoir-faire, des emplois. Et surtout beaucoup d'argent pour l'État, via les taxes et l'exportation. Entre prohibition et banalisation, y a-t-il un juste milieu ? En fait-on trop, ou pas assez pour informer sur les dangers de l'alcool ? Les médias sont-ils à la traîne sur la question de la prévention ? 

Pour en discuter, nous recevons cette semaine Claire Touzard, ancienne journaliste auteure de Sans alcool (Flammarion, 2021), récit de son chemin vers la sobriété, et Bernard Basset, médecin et président de l'association Addictions France. 

Le vin, ce trésor français

Dans les journaux télévisés, le vin est toujours présenté comme l'un des fleurons de la culture française, dont le secret de fabrication se transmet de génération en génération par des artisans passionnés. Une "image d'Épinal" pour Bernard Basset, qui rappelle que dans le Bordelais par exemple, la majeure partie de la production viticole est industrialisée. Le but de ces opérations de communication ? Faire du vin un marqueur inamovible de l'identité française.

Macron boit cul sec

L'image a fait le tour du monde. Dans un vestiaire de rugby, le président Emmanuel Macron engloutit une bière cul sec sous les hourras des joueurs du Stade toulousain. Une image catastrophique pour Bernard Basset, à plusieurs titres. "On essaie de faire en sorte que les gens qui boivent ne le fassent pas pour être ivres à chaque fois", dénonce le médecin. Il voit dans le cul sec du président, pourtant tenu à un devoir d'exemplarité, un acte "anti-préventif au possible".

Les alcooliers ciblent les jeunes

Malheur au pays du pinard : les jeunes boudent le vin. Sous l'œil complaisant des JT, les fabricants d'alcool révèlent leurs astuces pour pousser les jeunes à renouer avec leurs produits, quitte à en faire des caisses sur le marketing. "Je trouve ça terrible, s'alarme Claire Touzard. Peut-être que la modernité, c'est de leur parler, d'essayer de réfléchir avec eux plutôt que de les cibler agressivement pour qu'ils boivent plus, et qu'ils aillent mal."

Pour aller plus loin

- Le livre de Claire Touzard, Sans alcool (Flammarion, 2021).
- La tribune de Bernard Basset dans le Monde, appelant le gouvernement à "redresser le tir" sur la prévention anti-alcool.
- L'enquête de la cellule investigation de Radio France sur les campagnes de prévention annulées par le ministère de la Santé.
- Dans une séquence de Proxy en août, Loris Guémart racontait comment la presse écrite oubliait souvent de recontextualiser le coût social et humain de la consommation d'alcool en France au sein de ses articles sur la fiscalité du vin.

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