Calais : "Si je n'étais pas journaliste, j'aurais ramené des paquets de riz"
La rédaction - - 123 commentairesGaspard Glanz (Taranis News), Maryline Baumard (Le Monde) et la crise migratoire
Devant l'évacuation des migrants de Calais, le sort qui leur est réservé en France et en Europe, devant la communication gouvernementale récente mais apparemment assez sophistiquée sur la question, comment parvenir tout de même à faire de l'information ? Questions posées à deux invités particulièrement impliqués dans la question des migrants : Gaspard Glanz, vidéaste, photographe, fondateur de l'agence de presse Taranis News, interpellé à Calais, placé en garde à vue pendant 33 heures, et Maryline Baumard, journaliste au Monde en charge des questions migratoires.
Le making-of de l'émission, par Robin Andraca :
Toutes les émissions ne naissent pas le lundi, en conférence de rédaction. De permanence samedi 29 octobre, je reçois un mail de Daniel Schneidermann : "Un plateau Glanz/Baumard vendredi prochain, ce serait super. Vous leur demandez ?" Gaspard Glanz, fondateur de Taranis News, déjà invité sur notre plateau en mai 2016 pour parler des violences policières, vient alors d'être interpellé et placé en garde à vue à Calais. De son côté, Maryline Baumard, journaliste au Monde spécialiste des crises migratoires, vient de signer avec quelques uns de ses collègues du quotidien un papier très critique sur la couverture médiatique du démantèlement du camp.
Le lendemain, je discute avec Glanz sur Facebook, où nous sommes "amis". Je lui propose l'émission, avec un lien vers le papier que nous avions publié la veille, intitulé : "Calais : le photographe-vidéaste Gaspard Glanz placé sous contrôle judiciaire". Il refuse d'abord. "Je trouve que le passage «Celui qui se définit comme journaliste» c'est pas très cool!". Je vois bien de quoi il parle : c'est moi qui ait écrit ce papier. La veille, au moment de le publier, nous avions fait le choix, avec Daniel, de le qualifier de "vidéaste" et de "photographe", plutôt que de "journaliste". Pas seulement parce que Glanz ne dispose pas de carte de presse, mais aussi parce que ses vidéos, publiées sans aucun élément de contextualisation et dans lesquelles les personnes interrogées ne sont jamais présentées, ne nous semblent pas toujours relever d'un travail journalistique.
"Je suis venu sur le plateau pendant deux heures pour parler de notre travail, on a eu le temps d'expliquer ce qu'on faisait, je travaille avec quasiment toute la presse française ... c'est pas friendly quoi", m'explique Glanz, toujours sur Facebook. Je lui propose de venir en discuter sur le plateau d'@si, en toute transparence. "Ok bon allons-y. Mais je vais parler de la carte de presse", me prévient-il. Pas de problème.
Baumard, aussi, dans un premier temps a refusé notre invitation. "Je n'ai pas envie de parler de mon post Facebook". La veille, la journaliste avait posté un long message sur le réseau, où elle expliquait la difficulté du retour à la vie quotidienne, après une semaine à Calais, où plusieurs milliers de migrants ont été envoyés vers un des 450 centres d'accueil d'orientation français. "Journaliste migration c'est aussi ça. On laisse beaucoup de soi et j'avoue que ma semaine à Calais a peut-être encore été plus difficile que mes trois semaines sur un bateau de secours aux migrants en Méditerranée. Même si j'ai encore en tête les cadavres de filles remontées des canots. Que dire de plus? Je dormirai dans un lit ce soir... Reste qu'à un moment on ne dort plus vraiment. Trop d'images, trop de visages...", écrivait-elle dans ce message, partagé plus de 400 fois sur Facebook.
Ça tombe bien : on ne l'invite pas pour parler de ses publications Facebook, mais plutôt de ses articles publiés ces derniers jours dans Le Monde, pour critiquer le voyeurisme ou le manque de dignité de certains de ses confrères, ou la soigneuse mise en scène, par le gouvernement, de ce démantèlement. "Alors, ça va", répond Baumard. La "super" émission avec Glanz et Baumard aura bien lieu.
Au final, le contrat semble respecté : il ne sera jamais question, sur notre plateau, du post Facebook de la journaliste du Monde, et Glanz a pu dire tout le mal qu'il pensait des modalités d'attribution de la carte de presse. Hors caméras, le fondateur de Taranis News semble bien décidé à faire, prochainement, une demande pour que Taranis News soit reconnu comme un service de presse en ligne auprès de la Commission Paritaire des Publications et Agences de Presse (CPPAP). Taranis News, bientôt un média comme les autres ? Promis, @si suivra l'affaire de près.