France 2 : 20 secondes pour comprendre ces sacrés Wallons
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 51 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
"Ce soir la balle est dans le camp des Wallons. Il leur reste quelques heures pour changer leur position"
conclut dramatiquement le petit sujet de France 2. Mais comment peut-on être Wallon ? Incompréhensibles Wallons, qui refusent obstinément de renvoyer "la balle", en approuvant l'accord de libre-échange entre l'UE et le Canada, jusqu'à en faire capoter la signature, prévue jeudi. A son public foudroyé par l'opposition wallonne, dont les medias français n'avaient pas soufflé mot depuis un an, comme nous l'expliquons ici, et plutôt sevré de développements sur les négociations internationales comme nous le soulignions ici, Pujadas doit des explications. Dix secondes de parole sont donc accordées au ministre-président wallon Paul Magnette, pour expliquer que sa région ne "décidera jamais rien sous l'ultimatum et la pression" . Alors ce n'est que ça ? Une simple bouderie ? Tout de même, pourquoi s'obstinent-ils à ridiculiser l'Union Européenne ?
Heureusement, Pujadas a convié son spécialiste, à venir détailler"deux avancées, et deux points de blocage". Admirez l'impartialité de France 2. Deux contre deux, Pujadas au milieu. Parfait. "Premier point positif, explique le spécialiste Laurent Desbonnets, on pourrait exporter plus vers le Canada". Enfin "le roquefort, le reblochon, le brie, la mozzarella" seront exemptés de droits de douane, et ne seront plus exposés aux contrefaçons canadiennes. Bref, l'accord est bon pour "nosfromages", nos chers, nos délicieux fromages. Mais pourquoi n'en citer que quatre dans la démonstration ? France 2 est-elle certaine que les télespectateurs ont bien compris à quel point le traité CETA était favorable aux pâtes dures et aux pâtes molles ? Pourquoi ne pas citer la liste complète des délicieux fromages français qui pourront partir à la conquête du Grand Nord ? Mieux encore : les entreprises européennes pourront construire au Canada "des mairies et des routes".
"Et les arguments contre ?" demande maintenant David "Impartial" Pujadas à son spécialiste. Alors voilà, les Canadiens pourront exporter davantage de viande. Normal. Et surtout, cette histoire d'arbitrage des litiges, sur laquelle bloquent depuis des années tous les accords de libre-échange. Cet accord "donnerait aux multinationales le droit de porter plainte contre les Etats, avec, selon les opposants, le risque d'avoir des multinationales plus puissantes que les Etats" explique Desbonnets en dix secondes chrono. On appréciera comme il le mérite le scrupule du "selon les opposants". Si France 2 puise à pleines mains dans les savoureuses évidences fromagères des partisans du traité, elle prend prudemment une pince à sucre pour saisir ceux des opposants. Ce qu'on appelle l'impartialité.