Cité maya : déroute du journalisme scientifique

Daniel Schneidermann - - Intox & infaux - Pédagogie & éducation - Le matinaute - 54 commentaires

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S'il est une première leçon à tirer de

la rocambolesque affaire de la "cité maya", c'est la déroute planétaire du journalisme scientifique. On m'objectera que c'est le journalisme tout court, qui est en déroute. C'est vrai. Mais à l'intérieur de ce champ, la niche du journalisme scientifique vit une déroute au carré, et pas seulement dans la vieille Europe, comme le soulignait récemment l'humoriste américain John Oliver. Ce qui constitue d'ailleurs un mystère économique, les articles scientifiques étant toujours les plus cliqués des sites de presse, comme nous l'expliquait l'an dernier notre confrère du Monde, Pierre Barthélémy.

Qu'il ne se soit pas trouvé, dans la presse mondiale, assez de sentinelles pour s'opposer immédiatement à la propagation des élucubrations du jeune William Gadoury, qui a imaginé que les Mayas construisaient leurs cités en se calquant sur les dessins des constellations, est accablant pour cette presse. N'étant pas nous-mêmes, dans notre équipe royalement constituée de six journalistes, spécialistes des Mayas, et n'en comptant aucun dans nos proches immédiats, il nous a fallu d'abord nous assurer que la "découverte" de Gadoury ne reposait sur rien, rigoureusement rien. Les canulars, les "hoax", les théories complotistes, ou les simples rumeurs, reposent le plus souvent sur un fond de vérité. Sur ce terreau de vrai, ou de vraisemblable, elles brodent, et rencontrent (ou pas) la crédulité publique. Ce n'est apparemment pas le cas ici. Aucun spécialiste des Mayas n'a jamais caressé l'idée que cette civilisation ait édifié ses cités en décalquant les dessins des constellations. Ce qui rend l'affaire Gadoury encore plus invraisemblable.

"Un exemple terrible de junk science, entrant en collision avec Internet", diagnostique David Stuart, spécialiste de la meso-Amérique à l'université d'Austin (Texas). Permettons-nous de contredire le professeur. Internet n'y est pas pour grand chose. Au Canada, c'est un journal professionnel, le journal de Montreal, certes tabloïd, mais tout de même professionnel, qui a le premier traité l'affaire, relayé par radio Canada, la radio nationale (laquelle s'en est vite repentie). Quant à Internet, il a plutôt alimenté le contre-feu. A en croire ce début de chronologie établi par Slate, le scepticisme serait né sur un groupe Facebook Archéologie et Zététique, comme on peut l'observer ici (sans photos satellite). Quant à @si, premier media français à avoir eu l'idée mirobolante de demander leur avis à des archéologues spécialistes du secteur, où nous classons-nous ? Dans la catégorie "Internet" ? Dans les medias professionnels ? Entre les deux ? Dans les forums, plusieurs d'entre vous nous suggèrent de créer, sur @si, une émission scientifique. Je ne sais pas si nous avons les moyens ou les compétences pour le faire, mais il est certain que c'est une nécessité.

Cité maya, par Google images

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