De quoi Dieudonné est-il le nom ?

Daniel Schneidermann - - La vie du site - 564 commentaires

Pourquoi notre 327e dossier

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Ce dossier-là, on aurait préféré ne pas le créer.

Et pourtant, aujourd'hui 29 décembre, je viens de mettre en ligne un dossier sur Dieudonné, regroupant nos articles et chroniques. C'est notre 327e dossier. Il est là. Habituellement, on est très heureux, de regrouper plusieurs articles et émissions dans un nouveau dossier. Nos dossiers sont un instrument offert à nos abonnés, pour leur permettre de se retrouver un peu dans le chaos de l'information.

Mais pour celui-ci, c'est un peu différent.

Ce n'est pas l'initiative de Manuel Valls, d'inciter les préfets à interdire les spectacles de l'humoriste antisémite, qui m'a décidé ce matin, à créer enfin ce dossier non-désiré. Cette initiative n'est que la nième rodomontade gouvernementale anti-Dieudonné. Evidemment, une telle publicité officielle est contre-productive, et va renforcer le personnage dans son statut de paria. Vieille mécanique infernale. Elle n'empêchera pas Dieudonné de propager sa parole. Mais elle le frappera au tiroir-caisse, point sensible de la PME. Car la quenelle est aussi un business, comme on l'a relevé récemment sur le site. Faute de le museler, on va tenter de le ruiner. Vieille tactique, pas très glorieuse. Débat sans issue.

Ce n'est même pas la quenelle du footballeur Anelka, qui a été la goutte d'eau, même s'il n'est pas indifférent de voir que le footballeur a ainsi exporté dans le monde entier la querelle française de la quenelle.

Non. C'est un petit reportage de BFM, qui m'a décidé. Un tout petit micro-trottoir, devant le théâtre de Dieudonné à Paris, le théâtre de la main d'or.

Le reporter de BFM interviewe des spectateurs sur l'initiative de Valls. Quelques uns parmi les milliers de spectateurs qui s'apprêtent à remplir les salles de sa tournée, ou les centaines de milliers d'internautes qui regardent ses videos. Et les spectateurs la trouvent bien entendu injustifiée, l'initiative de Valls. "Quand je suis sorti du spectacle, j'ai pas eu envie de casser une race quelconque". "On n'est pas contre les Juifs, on est contre l'élite sioniste". "Je ne pense pas qu'il y ait une incitation à la haine raciale". Et c'est tout. Pas une relance du reporter sur la dernière dieudonnerie en date, celle qui concerne Patrick Cohen. A BFM, on ne relance pas. Pas le temps.

De deux choses l'une. Ou bien ces jeunes gens jouent à cache-cache avec la caméra de BFM TV. Ou bien ils croient sincèrement à leurs dénégations. Et s'ils y croient sincèrement, c'est qu'il règne sur tout le quenelleland, pour le moins, une certaine confusion. S'il se trouve véritablement des quenelleurs, ou des spectateurs, pour ne pas voir de quoi Dieudonné est le nom, alors il faut faire ce qu'on peut pour dissiper, cette confusion, que ne va pas manquer d'épaissir le marteau-pilon des medias mainstream, qui vont maintenant se précipiter sur le sujet après l'avoir si longtemps ignoré.

Comment on est tombés dans le piège qu'on décrit

Dans le titre de notre 327e dossier, il y a le mot piège. Parce que cette affaire Dieudonné est un piège. On n'aurait pas envie d'en parler, de consacrer de l'énergie à ce sujet. Et voilà qu'on en parle quand même. Piège. Dans lequel nous tombons aussi Paradoxe habituel de la critique medias. Ce n'est pas notre premier, ni notre dernier.

Nous allons donc, comme on dit, suivre l'affaire. A notre manière. Je ne sais pas si Dieudonné, en son for intérieur, est antisémite ou "simplement" antisioniste. Je ne sais pas ce qu'il pense au fond de lui-même. Et peu importe. En revanche, comment ses messages antisémites sont envoyés, par quels canaux, avec quel degré de clarté, quelles zones d'ambiguité, volontaire ou non, comment ils sont reçus, gérés par les medias traditionnels, voilà qui nous regarde.

Ce sont ces centaines de milliers de dieudonnistes, occasionnels ou obsessionnels, qui nous intéressent. Tous les "malgré nous" de la quenelle. C'est à ceux-là, que s'adresse ce nouveau dossier.

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