Louis Dreyfus, patron sandwich du Monde
Daniel Schneidermann - - Publicité - Le matinaute - 33 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Mais que pense donc le patron du
Monde ? se demande la France avec angoisse. Tandis que son journal, voici quelques mois, prêchait la guerre en Syrie, tandis que son éditorial, la semaine dernière, fustigeait "les lignes Maginot" qui bloquent la France" -au premier rang, la défense corporatiste des opticiens contre les vendeurs de lunettes en ligne- le patron du journal, Louis Dreyfus, demeurait étrangement silencieux. Il vient enfin de dévoiler ses convictions profondes, sur un point essentiel : la mode. Et en s'impliquant fortement : plutôt que du "formel", Louis Dreyfus préfère porter du "casual". Précisons : "le casual convient beaucoup mieux à ce que j'ai envie de porter dans la vie en général, et en particulier quand je suis avec mon fils". Ah oui, parce que Simon Dreyfus, 7 ans, a assisté à cette confidence de son papa. |
Cette confidence a été enregistrée dans le cadre d'une série de clips "Le style en héritage", sponsorisée par le chausseur de luxe B., et que l'on peut regarder sur le site du magazine Milk, magazine de mode enfantine, qui se définit comme "un concentré enfantin pour parents contemporains". Louis Dreyfus y voisine avec "Joncha, musicien", "Gilles, patron de restaurants", ou, tiens tiens, "Marc, business angel". Pourquoi relever plus particulièrement ce dernier voisinage ? Parce que "Marc, business angel" (alias Marc Simoncini, fondateur de Meetic), vient d'investir dans la vente de lunettes en ligne, cette même activité de nature à débloquer la France, que défendait Le Monde du papa de Simon dans un éditorial récent. Et alors ? Alors rien. Simples retrouvailles d'amateurs de belles choses autour de convictions communes. Qui pose néanmoins quelques questions : Louis et Simon Dreyfus ont-ils été payés pour prêter leur image au chausseur de luxe B. ? En espèces ? En paires de chaussures ? (Rappelons que c'est une paire de bottines de la même marque, d'un montant de 11 000 francs, que l'ancien ministre des affaires étrangères Roland Dumas s'était fait offrir sur fonds d'Elf, dans une affaire retentissante). Cette prestation familiale est-elle la contrepartie de budgets publicitaires de B. accordés au Monde ? Nul doute que les limiers du journal enquêteront.
La pathétique transformation du directeur du Monde en homme-sandwich ne serait qu'anecdotique, si elle ne marquait pas une étape symbolique dans l'asservissement accéléré aux exigences de la pub d'une presse en panique. Il ne lui suffit plus, à la pub, de s'infiltrer dans les articles (un maroquinier de luxe à Libé, la compagnie nationale d'électricité au Parisien, le dernier produit de télécoms un peu partout), de se camoufler en articles (avec ou sans citations de marques, d'ailleurs, comme le montre l'édito du journal pro-vente en ligne). Il lui faut s'emparer des corps après les âmes, les marquer toujours davantage. On serait curieux de savoir quels journaux lira Simon Dreyfus, quand il sera en âge de lire les nouvelles.