Pour le pigeonnariat en maternelle
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 120 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Il va falloir allonger la semaine d'école.
Après les futurs cours de "morale laïque" de Peillon, qui ont bien occupé trois jours de la semaine dernière, on va donc enseigner "l'entrepreunariat" dans les collèges et les lycées. "De la sixième à la Terminale", a précisé Hollande à l'Elysée devant un parterre de pigeons ravis qui, parait-il, l'ont applaudi debout à la fin. Car il n'a pas seulement annoncé un allègement des impôts (si vous avez raté des épisodes, le rattrapage est ici) mais donc, parait-il, des cours d'entrepreunariat, traduction de la vieille revendication patronale: "aimez-nous ! A ce stade, le projet ne dit pas si les profs de morale laïque seront les mêmes que les profs d'entrepreunariat, mais pourquoi pas ?
Dès la sixième, donc. Mais pourquoi seulement la sixième ? Pourquoi pas le pigeonnariat dès le primaire ? Et même en Maternelle ? Que de temps perdu. Ne peut-on enseigner en Maternelle l'accumulation des cubes, la levée de fonds en chocos BN, le tour de table en jetons multicolores, et la pluvalue en pièces de puzzle ?
Tous entrepreneurs ! Tous créateurs de startups ! Ce ne serait qu'un fumigène parmi d'autres, qui ne vaudrait pas particulièrement qu'on s'y arrête, s'il n'offrait une photo saisissante de l'immuabilité du débat français. Réaction de Mélenchon, sur France Inter: "un jeune élève a bien des choses à apprendre avant de se faire enseigner la cupidité". Aime ta boîte comme Hollande et Parisot, ou conchie-la comme Mélenchon: c'est l'un ou l'autre. Rien entre les deux. Le désert. Ah si, tout de même: les profs de SES, pris en tenaille entre les deux injonctions de l'amour et de la détestation, et qui tentent obstinément de faire leur boulot. "On nous a effectivement reproché de ne pas faire aimer l’entreprise, de trop parler, par exemple, du chômage. Mais nous ne sommes pas là pour la faire aimer ou non, mais pour la faire comprendre" explique à Libé Marjorie Galy, présidente de l'association des profs de SES (et non pas seulement de sciences éco, chers confrères de Libé. Ils tiennent au "s", pour "sociales"). Ils vont se sentir bien seuls, les profs de SES. Mais ils ont l'habitude.