L'impromptu du CRIF
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 79 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
De l'importance des légendes.
La vidéo de la poignée de mains Sarkozy-Hollande au dîner du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), que diffusent ce matin tous les sites de presse, ne dit pas grand-chose en elle-même. Hollande s'approche par derrière de Sarkozy attablé. Lequel se lève, serre la main du candidat socialiste, tous deux posent pour les photographes qui tiennent l'image de la soirée, Sarkozy se rassoit quand arrive un troisième personnage, le président du CRIF Richard Prasquier, désireux de poser entre les deux moitiés de la France. Sarkozy se relève, les flashes crépitent, il se rassoit enfin, tandis que le cameraman, non identifié, zoome sur Hollande qui s'éloigne. Pour vous en convaincre, regardez-la avant de lire ce qui suit. |
Voilà ce que disent les images, et pas grand-chose d'autre. Et les récits du Monde et deLibé, par exemple, n'aident guère à les interpréter. Mais surprise ! C'est Le Figaro qui raconte une tout autre histoire, une véritable Blitzkrieg de la paluche, remporté haut la...main (pardon) par Hollande. Sarkozy, raconte Le Figaro, était arrivé en retard, justement "pour ne pas croiser le candidat socialiste". Raté ! Ce dernier "n'avait pas dit son dernier mot. En plein dîner, il s'est levé (...) puis s'est dirigé vers le président, tout sourire, pour lui serrer la main." Ainsi légendé, l'impromptu prend un tout autre sens. Comme dans un film comique, on jubile de voir Hollande parvenir à la chaise présidentielle avec une hardiesse d'enfarineur potentiel. Et tiens, pendant que Hollande prend possession symboliquement de la tablée sarkozyenne en serrant la main des convives, voyez comme Sarkozy, embarrassé, se cherche une contenance en rajustant sa veste ! Quant au zoom final sur le visage de Hollande après le raid, n'y lit-on pas la satisfaction du prédateur victorieux ? Ces émotions de spectateur se mêlent, naturellement, à la stupeur de voir Le Figaro s'amuser de la déconvenue sarkozyenne. Décidément, il se passe quelque chose.
En fonction d'autres considérations encore, extérieures à la séquence proprement dite, on pourra évidemment tirer d'autres sujets de réflexion de cette rencontre souriante, à commencer par l'étrange soumission des représentants des principaux partis politiques français à un rituel communautariste annuel. Mais chacun comprendra qu'elles dépassent les missions d'un site de réflexion critique sur les images et les médias.