Audrey de Gouges, et la "décision d'entreprise"
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 137 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Allez, vivons dangereusement, je lance le débat Pulvar.
Depuis que la suspension d'Audrey Pulvar de son émission politique d'i>Télé a été annoncée, tout le monde est contre. Arnaud Montebourg est "triste", ce qui se comprend. Les socialistes sont choqués, ce qui n'est pas étonnant. Le très droitier député Lucien Myard annonce son intention de saisir le CSA, ce qui est plus remarquable. Claire Chazal, autorité en matière d'indépendance journalistique, est "scandalisée". Du coup, le patron d'i>Télé, Pierre Fraidenraich, qui croyait certainement bien faire, se retrouve bien seul, dans la peau du macho archaïque.
La seule qui ne soit pas défavorable à la suspension de Pulvar, c'est Pulvar elle-même, qui a diffusé un communiqué dont voici le texte intégral : "Très touchée par les nombreux messages de soutien, je souhaite cependant préciser que la direction d’i>TELE a été avertie quelques jours avant, et non trois semaines avant, de la décision d’Arnaud Montebourg de déclarer sa candidature à l’investiture socialiste. 72 heures se sont écoulées entre ma conversation avec Pierre Fraidenraich et le coup de téléphone par lequel il m'annonçait sa décision de suspendre mon émission. C’est une décision d’entreprise, je la respecte et en ai pris acte. Je fais toujours partie de la rédaction d' i>TELE et réfléchis avec ma direction à un nouveau format d'émission, hors politique. Je souhaite maintenant me consacrer à l’élaboration de ce format avec la chaîne afin de revenir très rapidement à l’antenne et continuer à exercer mon métier de journaliste." Quelques heures plus tôt, sur l'antenne d'Inter, Pulvar avait lu, sans commentaires, un passage entier de Rousseau (Jean-Jacques) conclu par une phrase de la féministe révolutionnaire Olympe de Gouges.
Vivons dangereusement : s'il faut choisir un camp dans ce débat piégé, je serai plutôt dans celui de Jack Lang, de Chazal et de Royal. Et de Pulvar, donc (Audrey de Gouges du matin, je veux dire, plutôt que Audrey Décision d'Entreprise du soir). Ah, je vous entends déjà : et Ockrent ? Vous soutenez sa nomination à France 24 ? Et Schönberg ? Deux poids deux mesures, c'est ça ? Ce qui serait permis à gauche, serait interdit à droite ? Les cas diffèrent Votre Honneur. Le cas Schönberg posait problème, alors qu'elle présentait le 20 heures, et que sa liaison avec un ministre en exercice n'était pas publique (le sujet était tellement tabou qu'il fut indirectement à l'origine de la suppression d'Arrêt sur images sur France 5, je le signale à nos jeunes abonnés). Ockrent a été nommée à France 24, grasse sinécure, sous l'influence directe de son mari ministre, ce qui a rendu sa situation injustifiable. La meilleure solution eût été que Montebourg s'abstienne de toute candidature aux Primaires socialistes pendant la période d'activité de Pulvar mais, plus de deux siècles après Jean-Jacques et Olympe, on n'en est pas encore là.