De la circulation circulaire des paniques

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 61 commentaires

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Ciel ! On a failli oublier la menace.

Quelle menace ? Vous savez bien. La menace terroriste. Celle qui n'a jamais été si élevée (depuis cinq ans, certes, mais bon). Depuis quinze jours, qu'on vous le répète. Voyez comme vous êtes : un projet de loi sur les retraites, cinq milliards à payer pour Kerviel, et vous seriez tout prêts à oublier la menace. Heureusement, Brice Hortefeux est là, tout disposé à se lever tôt le matin, pour que vous n'oubliiez pas la menace. Ce matin, c'était le tour de France Inter, et plus précisément d'Audrey Pulvar (pourquoi Hortefeux vient-il plus volontiers chez Pulvar, que, trente minutes plus tard, à l'interview "vedette" de Patrick Cohen ? C'est Cohen lui-même qui l'a balancé l'autre jour à Canal+. Pour ceux qui ne suivent pas, c'est ici).

Donc, la menace. Avec cet argument matraque d'Hortefeux : si nous ne disions rien, et si les Français apprenaient un beau jour que les Américains, eux, déconseillent les voyages en Europe pour cause de menace, quelle tête feraient-ils, les Français ? C'est vrai. Logique. Imparable. Si la CIA elle-même le dit ! L'idée que la CIA, d'une certaine façon, puisse elle aussi être impressionnée par le défilé de ministres français sous la tour Eiffel, que CNN doit bien montrer, cette idée-là n'effleure pas Hortefeux. Et Pulvar non plus, apparemment. (Notez bien que je n'accuse nullement la CIA de produire des alertes bidon, pauvre de moi, je n'en sais rien. C'est une simple hypothèse, née de quelques observations passées sur la circulation circulaire des paniques).

Tiens, Pulvar, justement. Audrey Pulvar est une excellente journaliste. Mais bon. Suis-je le seul à trouver que depuis son parachutage dans la tranche matinale des Bermudes de France Inter, elle manque un peu de pugnacité ? Ce matin encore, après lamenace, elle interroge Hortefeux sur l'enquête sur les sources du Monde. Au cours de laquelle Hortefeux dit un gros mensonge : la police a transmis à la Justice le résultat de son enquête (ce qui est précisément démenti par le Canard enchaîné de ce matin qui, si j'en crois une dépêche AFP, révèle que la police n'a justement rien transmis du tout). Eh bien, pas une contradiction, pas une relance, rien. Pas lu le Canard, Pulvar ? Si on me demandait (mais on ne me demande jamais rien) j'aurais bien un début d'explication. A en croire la rumeur, Pulvar partagerait la vie d'un député socialiste, prénommé Arnaud, et dont le nom finit par Montebourg. Bon. C'est son droit. Rien à dire. Mais elle les connaît, ceux d'en face, Pulvar. Elle le sait bien, qu'à la moindre question qui dépasse, elle va se prendre un Scud, explicite ou subliminal, du genre : "ah, Mâme Pulvar, je vois bien qui peut avoir inspiré cette question ce matin". Elle le sait bien, qu'ils n'hésiteront pas, les décomplexés. Donc, remarques bien senties à Hortefeux, oui (notamment le mot de la fin de l'émission de ce matin), mais aussi prudence. Questions millimétrées. Pas de relances inopportunes. Ce qui, on en conviendra, n'est pas la situation la plus confortable pour une journaliste. Ne me demandez pas quelle est la solution, je n'en ai pas.

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