Stupeur : Merkel contre la spéculation
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 50 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Oui, je sais, il faut se méfier des apparences. Sur le véritable coup de tonnerre
, que constitue la décision d'Angela Merkel d'interdire aux banques allemandes les ventes à découvert, c'est à dire de priver les spéculateurs d'un de leurs instruments les plus pervers, on ne connait pas encore toutes les coulisses. Quelle mouche a piqué Merkel, la conservatrice ? Pourquoi maintenant, précisément ? Quels sont les contours exacts de la mesure ? Quelle est, dans cette décision, qui a été apparemment affinée dans la journée, la part de stratégie à long terme, et la part d'improvisation, alors que Merkel, qui avait multiplié les jours précédents les interviews à la presse étrangère, n'en avait pas dit un mot ? |
N'empêche : cette mesure a toutes les apparences d'un véritable coup de massue, le premier, donné à la spéculation, en la privant d'un de ses joujoux les plus diaboliques, et les plus immoraux. C'était la principale mesure préconisée par Paul Jorion, lorsqu'il était venu sur notre plateau (écoutez le détail de ses explications). Sur son blog, d'ailleurs, Jorion ne s'est pas privé d'applaudir, toute la journée d'hier. Il va même jusqu'à estimer que la mesure préfigure la naissance d'un "euro vitaminé", rassemblant l'Allemagne et sa zone d'influence, et qui se distinguerait d'un euro atone (devinez qui serait la vedette de l'euro atone). "Je ne sais pas pourquoi, mais je ne donne pas l'Allemagne perdante", écrit-il. Ah, Paul, si je peux me permettre, il faudrait savoir pourquoi, justement. Et l'expliquer. Quand on a accédé au statut de Prophète National, on a quand même quelques obligations.
Au lieu d'explications, face à ce coup de cymbales, face à cet événement qu'il faudrait éclairer sous toutes ses coutures, admirez les criailleries de basse-cour de la presse économique, et du système médiatique français en général. Les Echos répercutent sans distance la plainte désolée de lémarchés devant ces irresponsables allemands. Le même journal aimerait tellement entendre aussi de la plainte en Allemagne, qu'il en fait un titre, que n'étaie en rien l'article ainsi titré. Quant à nos radios du matin ! Ne dites pas à France Inter que l'on est en guerre monétaire, ils préfèrent jouer dans le bac à sable à Villepin contre Sarkozy. Tiens, Aphatie reçoit Lagarde. On va peut-être être éclairés. Mais non. Tout ce qui lui importe, c'est d'arracher à Lagarde la matière d'une pauvre petite récrimination, reprenable par l'AFP ("non Merkel ne nous a pas consultés, ouin"), sans trop la titiller sur le fond de la décision allemande : qu'en pensez-vous ? Efficace ? Si elle est critiquable, critiquez-la donc ! Pourquoi ne l'avons-nous pas fait en France ? Ce sera pour demain. Ou après demain.