Logorama, ou la publiphobie supportable
Daniel Schneidermann - - Publicité - Le matinaute - 24 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Primé aux Oscars, le court-métrage français d'animation Logorama revient en France, auréolé
d'un "buzz" héroïque : les auteurs n'ont demandé l'autorisation d'aucune des 3000 marques dont les logos sont les personnages de ce film n'animation, qui met en scène une course-poursuite entre deux flics Bibendum, et le clown Ronald Mac Donald. La liberté d'expression contre le droit des marques. Quel courage ! Quel culot ! |
Logorama, qui montre un paysage urbain gangrené, rongé, dominé par les marques, est-il une critique de la puissance desdites marques (on peut en voir la première moitié ici) ? Le film se veut "un droit de réponse à tout ce à quoi on est soumis quotidiennement. On peut se permettre de caricaturer le président, le pape, Mahomet. Par contre, un logo d'une marque, il n'y a pas plus protégé » répond l'un des auteurs, Hervé de Crécy, dans une interview filmée au Monde, contredisant d'ailleurs son co-auteur, François Alaux, qui avoue lui "une fascination des logos, et une volonté farouche de jouer avec ces codes forts." Toujours est-il que les marques n'ont pas attaqué. Oscars aidant, il est désormais peu probable qu'elles le fassent. Mais qui pourrait bien attaquer, d'ailleurs ? En partageant la vedette entre 3000 marques, les auteurs ont eux-même désamorcé, en le délayant, ce qui aurait pu être une charge.
Dans l'univers de l'information, et surtout dans les médias dépendant de la pub, les marques restent un tabou, comme le montre notre tout nouveau dossier. Pas touche ! Surtout, surtout ne pas donner le nom de l'hypermarché (Leclerc) qui pratique la "remballe" des steaks avariés. Surtout ne pas dire que l'habillage "bio" des produits Yves Rocher est un attrape-gogos. Mais critiquer l'emprise des marques sur notre paysage visuel, nous dessiller sur notre intoxication quotidienne, même si cela fait un film efficace, c'est finalement n'en critiquer aucune en particulier. Et rester donc dans le champ de la publiphobie supportable.