Murdoch a-t-il déclaré "la guerre à Internet" ?
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 16 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Dans son ranch californien, Rupert Murdoch, seigneur des anciens médias, reçoit en week-end
Dans son ranch californien, Rupert Murdoch, seigneur des anciens médias, reçoit en week-end Larry Page et Sergey Brin fondateurs de Google. Quelque temps plus tard, Mme Murdoch raconte la conversation à un journaliste, assoiffé de savoir de quoi ont bien pu parler les trois mythologies vivantes. "Oh, vous connaissez Rupert, dit Mme Murdoch. Il pose toujours beaucoup de questions". Oui, certes, bien entendu, mais quelles questions, ce jour-là, a-t-il posées précisément à ses hôtes ? "Il leur a demandé pourquoi ils ne lisaient pas de journaux". L'anecdote est relatée, dans Vanity Fair, par le journaliste en question, Michaël Wolff, par ailleurs auteur d'une biographie de Murdoch, dans un long article, dans lequel Wolff détaille la profonde aversion de Murdoch envers Internet, repaire de pédophiles, de pirates et de voleurs de contenus. C'est cette aversion, selon Wolff, qui explique seule la décision de Murdoch, à ses yeux irrationnelle économiquement, de rendre payants tous ses sites de presse (nous vous avions raconté ici ce grand virage économique). En France, tout naturellement, nos amis et collègues de Rue89 s'esbaubissent de cet article de Wolff, qui les conforte dans leur dogme fondateur : l'information sur Internet sera gratuite (entendez, financée par la pub seule) ou ne sera pas. |
Entendons-nous bien. N'ayant pas (encore) été invité à passer le week-end dans le ranch californien de Rupert, je ne sais pas si sa décision a été dictée par une aversion irraisonnée de bientôt octogénaire, ou par une géniale intuition visionnaire. Je ne sais pas davantage si Murdoch gagnera son pari (et Wolff donne de nombreux détails convaincants sur les incohérences de ce pari). Mais il me semble simplement que le groupe Murdoch possède la masse critique suffisante pour qu'une décision soudaine et radicale de sa part, même prise pour de mauvaises raisons, déchaîne des conséquences imprévisibles (et éventuellement, pourquoi pas vertueuses ?) sur le "marché" de l'information en ligne. "Marché" qui obéit à des règles nouvelles et encore mal théorisées, que je tentais de décrire l'autre jour à Frédéric Mitterrand, qui m'avait fait l'amabilité de me consulter. Et dont je n'ai d'ailleurs aucune nouvelle.
Mise à jour, 23 h : Pierre Haski, fondateur de Rue89, nous précise que "plus de la moitié" des recettes de Rue89 proviennent d'autres sources que la publicité (formation, prestation de services, vente de T shirts, etc)