Karachi : silence, affaire d'Etat !

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 72 commentaires

Voilà du lourd, dirait-on. Du très lourd.

Si vous n'avez pas écouté France Inter ce matin, je vous résume : l'attentat de Karachi, qui a coûté la vie à quatorze personnes, dont onze ingénieurs et techniciens français en 2002, n'aurait pas été commis par Al Qaida, mais serait une mesure de représailles, après l'interruption par Jacques Chirac, à peine élu en 1995, de commissions sur des ventes d'armes aux Pakistanais. Ces commissions donnaient lieu à des rétro-commissions, lesquelles auraient servi à financer la campagne présidentielle de Balladur en 1995 (d'où l'interruption par Chirac). Cette version a été livrée à la presse par l'avocat des familles des victimes, Me Olivier Morice, après une entrevue, à Cherbourg, avec des juges de la section anti-terroriste de Paris.

La piste reste évidemment à confirmer. Mais le récit effectué par Me Morice est en soi une information. La dépêche de Reuters, qui reprend ce récit, a été mise en ligne sur le site de L'Express jeudi à 19 heures 18. L'AFP a également fait état de l'information, mais avec quelques différences. Reuters rappelle ainsi, à plusieurs reprises, que Nicolas Sarkozy était alors lieutenant de Balladur. Pas l'AFP. Reuters signale que Sarkozy a refusé en mai dernier une demande d'audience par les familles de victimes de Cherbourg. Pas l'AFP.

Nous assistons donc, en germe, depuis la fin de journée d'hier, à la naissance d'une affaire d'Etat. Or, que font les radios du matin ? Elles babillent. Hormis France Inter, qui ouvre avec l'affaire son journal de 7 heures, elles parlent d'autre chose. Sur Europe 1, Catherine Nay, éditorialiste politique, évoque Chirac, mais c'est pour disserter de ses excellentes relations corréziennes avec Hollande. "L'actualité, c'est l'affaire des bébés congelés", tympannise l'insoutenable Fogiel. Sur RTL, Aphatie évoque bien des victimes, mais ce sont celles du crash d'Air France, en compagnie du directeur général de la compagnie, qui vient faire sa com'. Que s'abatte, comme un mégalithe sur la joyeuse tablée, une affaire d'Etat, et jamais le décervelage n'est plus évident.

Mise à jour, 11 heures : contrairement à ce que nous indiquions dans la première version de cet article, la dépêche AFP reprenant les accusations de Me Morice a été diffusée dès jeudi soir.

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