Stéphane Guillon, bouffon intouchable

Daniel Schneidermann - - Humour - Le matinaute - 344 commentaires

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Bingo ! En se mettant en colère mardi matin contre le sketch de Stéphane Guillon

qui l'avait dépeint quelques minutes plus tôt en obsédé sexuel, DSK, au micro de France Inter, a produit un fâcheux court-circuit: il a fait entrer l'humoriste dans la sphère du débat public.

L'impertinence des humoristes (les Guignols sur Canal+, Canteloup sur Europe 1, Guillon et Didier Porte sur France Inter le matin) repose sur un étrange pacte tacite édicté par leurs directions: vous dîtes toutes les bêtises que vous voulez, les enfants, mais c'est de l'hu-mour. On fait semblant de ne pas vous entendre. Vous tambourinez si fort qu'on n'entend que vous, mais vous restez de l'autre côté de la vitre, derrière laquelle les gens sérieux font mine de discuter de choses sérieuses. Moyennant quoi, vous avez droit à tout, et notamment de transgresser toutes les barrières que nous nous imposons, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, entre gens sérieux.

Mercredi matin, au lendemain de son esclandre DSK, Guillon s'appesantissait lourdement sur le physique de Martine Aubry, affectueusement comparée à un "pot à tabac", et frôlait l'homophobie boulevardière en imitant son collègue de la station d'en face, Marc-Olivier Fogiel, manière "cage aux folles"

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Mais c'est de l'hu-mour !










Il ne faut pas s'étonner de l'impunité dont bénéficient ces dérapages. Elle ne tient qu'à l'éternelle réinvention du bouffon. Plus la Cour tremble devant les princes, les principes et les principules, plus le blouffon boufonne. Si davantage de journalistes sérieux, lors de la nomination de DSK au FMI, avaient, comme Jean Quatremer sur son blog, soulevé le problème que risquait de poser son domjuanisme compulsif dans une grande institution anglo-saxonne, alors on n'aurait pas besoin du défouloir Guillon. Plus s'étendent les conformismes, les formatages, et les autocensures, plus le bouffon sera débridé, et intouchable.

BONUS : les épisodes précédents




Acte I :
Guillon décrit les mesures de protection du personnel féminin adoptées à France Inter avant la venue de DSK






Acte II :
DSK trouve Guillon "méchant"




Acte III :
le directeur de France Inter, Frédéric Schlesinger, raconte s'être "excusé" auprès de DSK, mais défend les droits de l'humoriste.

Acte III bis : Guillon révèle que Schlesinger l'a encouragé à continuer, et lui a envoyé une caisse de champagne. Est-ce encore de l'humour ?

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