Philippot : premier retour sur une hallucination collective

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 175 commentaires

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Fin de l'histoire. Après avoir été démis la veille de sa délégation

"à la stratégie et à la communication" du parti par Marine Le Pen, et cantonné donc, selon ses termes à lui, à un poste de "vice-président à rien", Florian Philippot annonce ce matin sur le plateau de France 2 qu'il quitte le Front National. Sans doute au moins dans un tout premier temps, on le verra et on l'entendra autant, sinon davantage qu'avant. Les medias adorant les vaincus et les bannis, leur petit coeur blessé, leur parole si libre. Sauf que son temps de parole n'étant plus décompté FN dans les grands registres du CSA, il faut prévoir à moyen terme une raréfaction sur les plateaux qui l'aimaient tant.

Ainsi se referme la parenthèse de cette étrange illusion collective (je ne dis pas "universelle") nommée "dédiabolisation du FN", dont Philippot fut le principal artisan. Comme dans toutes les hallucinations collectives, ou les légendes urbaines, auteurs et victimes se confondent souvent, et les hallucinés sont les plus efficaces propagateurs de l'hallucination. N'empêche qu'on peut tenter d'isoler la part qu'y prirent les medias. Cette étude a d'ailleurs été largement entamée, depuis des années, par plusieurs chercheurs, dont Alexandre Dézé, dont nous avions exposé les conclusions en 2013. Sondages aux présentations mensongères et manipulées (les réponses à une question "estimez-vous que le FN devrait être considéré comme un parti comme les autres ?" sont traduites dans les titres des journaux par "pour 52% des Français, le FN est un parti comme les autres") ; multiplication dans les journaux télévisés de micro-trottoirs des "nouveaux électeurs" du FN : les techniques étaient multiples, et convergentes.

La plus efficace fut certainement le matraquage-Philippot, avec son air de compétence, et son impeccable discours de souverainiste de gauche, façon Chevènement. Ainsi se construisit en plusieurs années l'image d'un parti raisonnable, pacifié, compétent, désireux d'accéder au pouvoir. Image que Marine Le Pen, et elle toute seule, dynamita en deux heures, lors du débat présidentiel d'entre deux tours, comme le constate ce matin lui-même, avec une cruauté certainement involontaire, le dirigeant mariniste (et compagnon de la patronne), Louis Aliot.

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