Télé-Insoumis : soudain, de la neige dans la soupe
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 97 commentairesMais qu'est-ce qui leur prend, avec le 20 Heures ? Mais qu'est-ce qui leur prend, aux maquisards de l'info, aux créateurs d'alternatives, aux inventeurs d'avenir ?
Mais qu'est-ce qui leur prend, avec le 20 Heures ? Mais qu'est-ce qui leur prend, aux maquisards de l'info, aux créateurs d'alternatives, aux inventeurs d'avenir, de vouloir absolument dupliquer la forme la plus ringarde, la plus dépassée, de l'information par l'image ? Voici quelques semaines, RTFrance créait un JT (je vous le racontais ici). Et donc cette semaine, tagada tsoin tsoin, voici le 20 Heures de Le Media, web télé des Insoumis. Un 20 Heures à 20 Heures pile, comme les grands. Etrange, pour des Insoumis, que la soumission à cette forme moribonde, quand il existe désormais tant d'autres formes, plus virales, des courtes videos Facebook aux Mediapartlive, en passant par les éditos de Youtubeurs (tiens, ils auraient pu solliciter l'avis d'un certain Jean-Luc Mélenchon, qui a innové dans le domaine. Si besoin, je tiens ses coordonnées à leur disposition).
Soit. Parlons au peuple de la soupe du soir, puisque c'est lui qui est visé. Mais comment cuisiner une altersoupe sans les légumes des reportages ? Equation insoluble, qui n'a visiblement pas été trop réfléchie. La forme, on verra plus tard. Au total, donc, une soumission au dispositif traditionnel : une présentatrice à prompteur, agrémentée de deux assesseuses, comme au tribunal, égrène une succession de brèves plus ou moins longues, parfois illustrées par une image, bienvenue comme un bout de carotte dans une soupe trop claire (pour rester dans la métaphore).
Et puis, arrive un visage familier de la vieille télé, celui de Catherine Kirpach, douze ans de LCI dans les godasses. Et hop, en trois mots et deux regards caméra, elle prend les choses en main, avec un ensemble bien ficelé sur les migrants du col de l'Echelle, au-dessus de Briançon. On l'écoute raconter les gamins en tennis qui, en pleine nuit, en plein hiver, sont jetés par les gendarmes au col de l'Echelle (1762 mètres d'altitude), où on leur indique comment redescendre en Italie. Ignominie ordinaire de l'Etat français, qui a déjà été documentée par plusieurs reportages (par exemple ici chez Niel, dans Télérama, eh oui, la vie est compliquée), mais que l'on ne rappellera jamais assez.
A quoi tient que soudain les cuillers se suspendent au-dessus de la soupe ? Au sujet, bien sûr. Mais aussi, hélas, hélas, hélas, à ce maudit professionnalisme télé, qu'il va bien falloir intégrer, ne serait-ce que pour le subvertir, et le dépasser.