Scoop sur TF1 : les règles, "ça fait vraiment mal"

Pauline Bock - - (In)visibilités - Sur le gril - 13 commentaires

Merci, mais on était déjà au courant

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Un homme est en train de se tordre de douleur. "Effectivement, ça pique... Waouh ! s'écrie-t-il. Ah ouais ! J'ai l'impression que je vais tomber dans les pommes !" L'homme en question, c'est Paul Larrouturou, reporter politique pour TF1. Il est à l'Assemblée nationale et teste une machine qui simule des crampes menstruelles pour sa pastille vidéo sur les réseaux sociaux de la chaîne, "Paul les plus".

"Là on est plutôt sur la douleur un peu sourde, dans le bas ventre, que ressentent beaucoup de femmes", lui explique la députée écologiste Marie-Charlotte Garin, qui manipule la machine, avant de lancer le "mode poignard, celui qui simule des contractions un peu cycliques".

Elle est à l'origine d'une vidéo virale dans laquelle elle proposait à ses collègues députés masculins de tester des crampes menstruelles : un festival d'hommes qui crient de douleur et réalisent, peut-être pour la première fois de leur vie, qu'avoir ses règles signifie, bien trop souvent, souffrir. Une initiative salutaire alors que ceux-ci s'apprêtaient à voter une proposition de loi sur le congé menstruel.

Avec Paul Larrouturou, la députée lance donc le "mode poignard" et augmente la douleur. "Ahhh, c'est comme un poignard !", s'écrie Larrouturou, qui se tortille, lance un "Ah, la vache !", grogne, et supplie : "Ah, c'est bon, c'est bon, j'ai compris ! Il faut s'arrêter, s'il vous plaît. Ça fait vraiment mal !", dit-il, en insistant sur le "vraiment".

La vidéo se poursuit après cette séquence de test et a le mérite de donner la parole à de nombreux·ses député·es sur le sujet du congé menstruel - y compris un député RN inquiet des "discriminations que pourraient subir les femmes" sur le marché du travail, avis que le montage, habile, fait suivre d'un député écologiste rappelant que sur les droits des femmes, "le RN se cache derrière son petit doigt pour ne pas avoir à assumer ce qu'il est, c'est à dire un parti profondément misogyne et antisocial". Une série d'interviews pleines de questionnements intéressants (quid de la confidentialité, puisque le patron saura quand on a ses règles ?), qui illustrent le vote s'étant soldé, quelques jours plus tard, par un rejet.

Mais pour toutes les personnes ayant leurs règles ou les ayant eues un jour, ce qui fait tout de même environ la moitié de la population française - et précisons ici qu'il n'y a pas que "les femmes", terme employé dans la vidéo, qui ont leurs règles : les hommes trans aussi - cette vidéo laisse un arrière goût amer. Pour le côté "gadget", déjà : Paul Larrouturou devait-il absolument tester lui aussi la machine, au lieu de tendre le micro aux députés l'ayant testée ? N'aurait-il pas été plus intéressant de mêler à ce reportage des témoignages de personnes dont les règles sont si douloureuses qu'elles sont paralysantes et empêchent de travailler ? Des personnes directement concernées, en fait ?

Comme des millions de gens, quelques jours chaque mois, depuis mes douze ans, je souffre de douleurs intenses au dos et au ventre, d'étourdissements voire, plus jeune, d'évanouissements. Et je ne peux pas, comme Paul Larrouturou, supplier qu'on appuie sur un bouton pour que cela s'arrête. L'intention est bonne, mais je soupire en entendant un reporter déclarer que les règles, "ça fait mal, et je vous explique tout". La moitié de l'humanité le savait, que ça fait mal. À qui s'adresse cette pastille vidéo ? À l'autre moitié, probablement. Celle qu'on écoute et qu'on croit sur parole.

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