Sarkozy condamné : LCI penche pour l'injustice

Loris Guémart - - Coups de com' - Sur le gril - 17 commentaires

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Définitivement condamné à trois ans de prison dont un ferme devant la Cour de cassation pour corruption et trafic d'influence (dans l'affaire dite Paul Bismuth), Nicolas Sarkozy n'a pas dit son dernier mot. D'abord, dans un long post sur X, par l'intermédiaire de ses proches tels Henri Guaino, avec l'annonce d'un recours devant la Cour européenne des droits de l'Homme.

Mais aussi, ensuite, grâce à l'assistance de certains médias. Prenons LCI. La chaîne, rappelons-le, appartient à Martin Bouygues, parrain de Louis Sarkozy – éditorialiste prometteur des plateaux de la chaîne d'info du groupe TF1. Mercredi soir, Darius Rochebin, sphinx neutre et nuancé arrivé en 2020 de Suisse (avec quelques casseroles), reçoit quatre invité·es pour débattre de cette condamnation "considérée soit comme une injustice, soit au contraire comme une justice avec nous sur ce plateau", introduit-il. Rochebin semble ici promettre un relatif équilibre des opinions.

Sur le plateau donc, on trouve d'un côté deux défenseurs·euses inconditionnel·les de Nicolas Sarkozy, son ancien conseiller en communication Thierry Saussez, et son ex-éditrice Isabelle Saporta. De ces deux-là, on n'attend rien de plus qu'un relais des arguments de Nicolas Sarkozy lui-même. "Je trouve que ça ne réhausse pas l'idée qu'on a de la France", lance ainsi Saporta. "Cette affaire n'est qu'une longue dérive", considère Saussez.

Ajoutons à cette défense bien assurée l'avocat "de gauche" (précise Rochebin) Patrick Klugman. Il consacre la quasi-totalité de son temps de parole à défendre l'iniquité d'une décision de justice fondée sur l'écoute judiciaire des échanges téléphoniques entre Nicolas Sarkozy et son avocat. "On s'est assis sur nos principes, sur des principes directeurs du procès pénal", assène Klugman.

Face à ces trois invité·es, seule la quatrième, la magistrate honoraire Evelyne Sire-Marin, prend la défense d'une justice identique pour tous les citoyens. D'une justice capable de sévir contre la corruption du pouvoir politique. D'une justice qui a pu, dans l'affaire, légitimement lever le secret dû aux échanges entre client et avocat et les verser à la procédure, dans le cadre de la commission d'une infraction.

Bref, un plateau "parfaitement calibré à trois contre un pour venir en défense de Sarkozy", résume l'ex-journaliste Luc Cédelle. Darius Rochebin aurait-il équilibré son plateau non par la répartition des invités, mais par celle des temps de parole ? Non plus : selon notre décompte, cinq à six minutes sont consacrées à défendre la décision de justice, pour près de 11 minutes dédiées à la défense de Nicolas Sarkozy. Du côté des extraits diffusés sur les réseaux sociaux par la chaîne, c'est encore plus unilatéral, puisque tous les trois défendent Nicolas Sarkozy.

Peut-être, alors, est-ce Darius Rochebin lui-même qui a permis l'équilibre promis en introduction de son débat ? Non, et même l'inverse, puisqu'il reprend sous forme de questions la totalité des arguments du camp Sarkozy. "On est dans un moment où on a mis sur écoute un avocat", répète-t-il par exemple à plusieurs reprises. Pour une infraction "qui n'a pas eu lieu", s'étonne-t-il aussi. Le Suisse s'inquiète-t-il ce que l'affaire Bismuth dit du rapport du pouvoir politique français à la corruption ? Non, lui se demande surtout s'il n'y a pas "un risque d'excès de moralisme". Il n'y a pas que la composition du plateau qui était parfaitement calibrée pour défendre l'ancien président de la République.

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