Paris 2024 : Les Jeux éclipsent le reste de l'actu

Pauline Bock - - (In)visibilités - Sur le gril - 32 commentaires

Tous les samedis, l'édito médias de Pauline Bock, envoyé dans notre newsletter hebdomadaire gratuite, Aux petits oignons : abonnez-vous !

"Fête vos Jeux" (Libération) "Que la fête commence !" (Le Figaro) "Tous en Seine !" (groupe Centre France) "Faites-nous rêver !" (Ouest-France) "JO Jour J" (La Dépêche) "Que la fête commence !" (bis) (Le Républicain Lorrain) "Le grand jour" (La Provence) et même "Le jour d'y croire est arrivé" (Vosges-Matin).

Je ne sais pas si vous êtes au courant, car l'info est passée quelque peu inaperçue dans la presse : les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 débutaient hier. Ironie mise à part, ça va, vous, pas trop noyé·es dans l'actu olympique ?

Les Jeux, rien que les Jeux : le monosujet qui s'infiltre partout dans les médias depuis des semaines, atteint aujourd'hui son paroxysme. Depuis l'interview d'Emmanuel Macron, mardi soir sur France 2, sorte d'exercice de style télévisuel consistant à séparer le président-fossoyeur de la Vème République de l'hôte international des Jeux de Paris 2024, mon malaise médiatique persiste. Comment peut-on, en tant que journaliste, tenter de questionner sérieusement le chef de l'État sur son choix - démocratiquement incompréhensible - de ne pas nommer la candidate désignée du Nouveau Front Populaire Lucie Castets au poste de Première ministre, et la minute suivante, se faire l'écho de la propagande olympique en demandant si alors, est-ce que c'est vrai que Céline Dion va chanter à la cérémonie d'ouverture ? Le service public français ne doit-il pas à son public mieux qu'une telle dissonance cognitive ? Le journaliste Thomas Sotto n'a-t-il pas d'autre rôle que celui de sauter du coq (le déni de démocratie affiché du président de la République) à l'âne (un événement sportif qui va coûter entre 3 et 5 milliards d'euros d'argent public) ?

Dans les JT de France 2, point de salut non plus, comme le démontre la recension précise d'Alizée Vincent : ces quinze derniers jours, le 13 Heures et le 20 Heures de France 2 ont dédié 3 h 20 de temps d'antenne à Paris 2024... parmi lesquelles seulement 5 minutes de critique.

Sicertains médias ont adopté une ligne éditoriale moins dithyrambique à l'égard de l'événement, comme BFMTV ou le Parisien qui se font plus régulièrement le relais des diverses critiques adressées aux Jeux (les Anglais n'aiment pas la cantine, les Suédois n'aiment pas leurs lits, les escrimeur·euses galèrent à rallier le Grand Palais, et j'en passe), Paris 2024 n'en reste pas moins le principal sujet couvert, éclipsant tout le reste.

Necherchez pas, vous ne trouverez pas aujourd'hui de gros titres et de Unes sur l'adresse solennelle de la Ligue des droits de l'Homme au président de la République, dans laquelle l'association exprime "son inquiétude à l'égard de la situation institutionnelle de la France". Ni sur l'ignoble provocation de Benjamin Netanyahu face à la Chambre des représentants lors de sa visite aux Etats-Unis : le premier ministre israélien a déclaré que "pratiquement aucun civil n'avait été tué" à Gaza par l'armée israélienne. Ni sur le passage à tabac d'un homme, désormais dans le coma, par des agents du Groupement parisien inter-bailleurs de surveillance (GPIS), jeudi soir à Villiers-sur-Marne - une info qui pourrait et devrait, hors monopole médiatique des JO, poser la question de la violence de cette structure privée des bailleurs sociaux.

Saluons la Une du Monde, qui rappelle que ces Jeux de Paris 2024 se produisent "sur fond de crises géopolitiques". On ajoutera les crises sociale, écologique et démocratique. À lire ou regarder les grands médias, on aurait presque oublié.

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