Nicolas Bedos et "la main sur le jean" : BFM et "C à vous" ne relancent pas
Alizée Vincent - - Médias traditionnels - Sur le gril - 39 commentairesTous les samedis, l'édito médias de Pauline Bock, (aujourd'hui signé Alizée Vincent), envoyé dans notre newsletter hebdomadaire gratuite, Aux petits oignons : abonnez-vous !
Julia Minkowski est l'avocate de Nicolas Bedos. Cette semaine, sa voix pointue et son parfait brushing blond ont peuplé les écrans, de C à vous à BFMTV en passant par CNews. Un discours : son client, qui vient d'être condamné pour agressions sexuelles, est victime d'une peine disproportionnée, extrêmement sévère. À savoir un an de prison dont six mois ferme, équipé d'un bracelet électronique. Nicolas Bedos, lui, se défend d'être un agresseur sexuel. "La justice se paie un bon coup de com'", a lancé son avocate, l'air énervé sur France 5. Nicolas Bedos a fait appel. Il est donc présumé innocent. Parmi le nouvel axe de défense (post-plaidoirie) étalé par Julia Minkowski sur les plateaux : un élément de langage. Celui d'une "main sur un jean".
Les faits dénoncés par les plaignantes ne seraient qu'"un bisou dans le cou et une main par dessus un jean pendant deux secondes" (dit-elle sur BFMTV). On ne parle que d'un "bisou dans le cou au milieu d'une boîte de nuit et ce geste qui est une main posée sur un jean pendant deux secondes au milieu d'une boîte de nuit" (dit-elle dans C à vous). "Nous sommes dans une société où pour un baiser dans le cou, ou une main posée sur un jean au milieu d'une boîte de nuit, on se retrouve condamné à porter un bracelet électronique pour une durée de 6 mois" (dit-elle au Figaro).
Ni les journalistes de France 5 ni ceux de BFMTV ne prennent la peine de demander où est posée cette main sur un jean. Ou pire - s'ils le savent, de le préciser. S'est-elle "posée" sur le genou ? Sur le tibia ? La cuisse ? Pire, sur la hanche ? Voire carrément les fesses ? Non. Sur le sexe.
Une fois n'est pas coutume, Pascal Praud est l'un des rares qui rappelle ce léger détail. Mais lui aussi nuance la scène. En introduction de son édito du 23 octobre, il parle d'un "baiser dans le cou" et, dit-il, "d'une main posée sur le sexe d'une femme qui - je le précise - portait un jean". Comme si la précision changeait la nature des faits. Il n'est pas le seul pour qui quelques millimètres de tissu suffisent a priori à faire passer une agression sexuelle, visant la vulve d'une femme - ses organes génitaux - à un "geste" sans conséquences. L'essayiste Antoine Bueno n'y voit aucun problème. Sur le plateau de France info, Rokhaya Diallo, invitée face à lui pour un débat, lui a demandé : "Est-ce que c'est ok de poser sa main sur l'entrejambe d'une femme ? Est-ce que c'est une agression sexuelle ? Si on est tous d'accord pour dire «oui»..." Elle n'a pas le temps de finir sa phrase. Antoine Bueno la coupe, sec : "non".
Le journaliste de Mediapart David Perrotin a rappelé les faits dans un article documenté. Il démontre que non, la plaignante n'a jamais "refusé d’expliquer" ou de "mimer" le geste, comme l'a affirmé l'avocate Julia Minkowski. La plaignante a simplement hésité sur le verbe qui décrit le mieux l'intensité de l'agression : elle ne sait plus si Nicolas Bedos a "«posé» sa main ou «agrippé» son sexe". Les médias eux, ont choisi la version qu'ils acceptent : la main s'est donc "posée". Quelque part. Pour certains, tout cela n'est pas si grave. Pas la peine d'entrer dans le détail. Personne ne s'attarde d'ailleurs sur le "bisou dans le cou" qui, comme le rappelle la présidente d'Osez le féminisme Céline Piques est une "agression sexuelle caractérisée". (Personne à part le journaliste de CNews Florian Tardif, là encore, une fois n'est pas coutume).
Si cette main d'homme s'était "posée" sur le sexe d'un enfant, au dessus d'un pantalon de garçonnet, d'une jupe de fillette, voire même d'un vêtement ET d'une couche culotte - si l'on suit le raisonnement, il y a plus de millimètres de distance entre la main et l'organe génital - ces médias auraient-ils minimisé les faits de la sorte ? Si cet enfant affirmait qu'il ne sait plus si on lui a touché ou "agrippé" le sexe ?