Meurtre de Philippine : Les médias Bolloré n'ont toujours rien compris

Pauline Bock - - (In)visibilités - Sur le gril - 43 commentaires

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Lina, 15 ans, a disparu l'an dernier, le 23 septembre 2023, alors qu'elle avait quitté son domicile pour aller à pied à la gare de Saint-Blaise-la-Roche, dans le Bas-Rhin. Elle n'est jamais montée dans le train vers Strasbourg pour retrouver son petit-ami. Son corps n'a pas été retrouvé ; le principal suspect dans sa disparition, un homme de 43 ans nommé Samuel Gonin, s'est suicidé chez lui en juillet dernier.

Philippine, étudiante de 19 ans, a disparu la semaine dernière à Paris. Son corps, portant des marques de "sévices et de blessures", a été retrouvé enterré dans le bois de Boulogne le 21 septembre. Le principal suspect de son meurtre a été arrêté trois jours plus tard en Suisse. Il a déjà été condamné pour viol, c'est un Marocain de 22 ans sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Ce n'est pas tant sa précédente condamnation, preuve de son passif de violences sexuelles, qui a lancé la machine médiatique, que l'OQTF à son encontre. Évidemment.

"Philippine, 19 ans, est morte parce que la France ne protège pas ses enfants. Morte parce que le déni est la règle jusqu'au sommet de l'État", a clamé Pascal Praud dans L'Heure des pros le 25 septembre, avant de dérouler le CV détaillé du suspect pour mieux récupérer l'horrible mort de la jeune femme, tout comme son média d'extrême droite avait récupéré celui de la petite Lola, en 2022. "Lola hier, Philippine aujourd'hui, d'autres demain, seront les victimes d'un État défaillant", a encore dit Praud.

Le mot "féminicide" n'a pas une fois été prononcé, ni par Praud, ni par sa collègue Laurence Ferrari, qui a enfoncé le clou dans Punchline le même jour sur l'OQTF du suspect, bien qu'elle ait été à deux doigts de toucher le sujet : "Au nom de toutes les femmes qui sont chaque jour attaquées, agressées et violées, faites ce que vous devez faire ! Changez les lois qu'il faut changer ! Mais ne laissez plus nos filles se faire massacrer !" Bien sûr, chez Bolloré, le seul angle valable sous lequel traiter ce fait divers, c'est l'immigration. Lina, dont le meurtrier présumé n'était pas un Marocain sous OQTF, n'a pas reçu les mêmes honneurs de ces médias. Un jeune militant comparait cette semaine les deux disparitions sur X : "Dans ces deux affaires, l'extrême droite n'est pas montée au créneau car les criminels étaient blancs", écrivait-il. Le problème, c'est le patriarcat et la culture du viol."

Les "lois qu'il faut changer", pour Laurence Ferrari, ce ne sont pas celles sur le viol, comme le propose le nouveau ministre de la justice Didier Migaud, mais bien durcir celles sur l'immigration, encore et toujours. Sans une seconde voir le vrai point commun de ces deux disparitions tragiques, comme dans l'immense majorité des féminicides : ceux qui tuent, statistiquement, ce sont les hommes. "Pourquoi est-ce qu'on fait des liens [dans les médias] avec des question d'OQTF, d'être Marocain ?" se demandait l'élue de Paris Alice Coffin sur le plateau de BFMTV le 25 septembre. "Un violeur est un homme. Ça n'est pas moins factuel de poser le problème de la masculinité. [...] Ça reste un homme qui a violé et tué une femme, comme ça arrive tout le temps."

C'est encore sur BFMTV que le 27 septembre, jour des obsèques de Philippine, on a enfin pu entendre une psychiatre et chercheure à l'Iris, Anne Sénéquier, rappeler que la mort de cette jeune femme, c'est le "104e féminicide de l'année" : "Ça veut dire qu'il y en a à peu près deux par semaine, je n'entends pas les médias en parler en permanence. Il faut se rendre compte que la société, dans sa globalité, que ce soit les migrants, les familles, les hommes, de manière générale, n'a pas la capacité à protéger les femmes en France. C'est ça, le fond du problème." À quand un traitement systématique des meurtres de femmes par ce prisme ?

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