Les "excuses" de Nathalie Saint-Cricq : et pourquoi pas faire long ?
Robin Andraca - - Déontologie - Sur le gril - 11 commentaires
"Je ferai très court". Nathalie Saint-Cricq ne s'excuse pas, elle abrège. Il ne faudrait pas qu'on y passe trop de temps, quand bien même ses propos auraient ému des tas de gens sur les réseaux, et poussé LFI et le recteur de la Grande mosquée de Paris à saisir l'Arcom.
Cette nouvelle polémique, qui ne fait pas du bien à un service public déjà cerné par toute l'extrême droite, de ses médias à ses députés, commence le 3 décembre. Ce jour-là, l'éditorialiste politique phare de France Télévisions reçoit Alexis Corbière dans l'émission Tout est politique, diffusée sur franceinfo. Au menu : la suspension d'un professeur de Lyon 2, accusé de messages antisémites sur les réseaux (sur laquelle nous reviendrons largement en début de semaine prochaine).
Question de Nathalie Saint-Cricq, qui fait directement référence à LFI puisqu'Alexis Corbière a pris ses distances avec le mouvement depuis 2024 : "Il y a quand même un certain nombre d'accusations d'antisémitisme autour de votre ancienne famille - je parle pas de vous - est-ce que vous vous dites pas que vous avez eu raison de partir ?".
Réponse du député : "L'antisémitisme est une chose sérieuse. Il existe dans le pays, ça existe".
Relance de St-Cricq : "Et la quête du vote musulman aussi".
Corbière : "Pourquoi vous faites ce lien ? Pourquoi quand je parle d'antisémitisme, vous faites un lien avec la quête du vote musulman ? Quel est le rapport ? Pensez-vous qu'il y a des gens qui sont antisémites pour aller chercher le vote musulman ?".
St-Cricq : "Ah oui".
"Ah oui", comme un cri du coeur. Des propos "intolérables" selon Corbière qui les dénonce immédiatement en plateau, tandis que l'éditorialiste invoque des "études" qui prouveraient son propos, dont elle n'a plus jamais parlé depuis le 3 décembre. Nous sommes le 12.
Derrière, l'extrait est publié sur les réseaux sociaux, l'Arcom est saisi, et St-Cricq revient sur cette séquence, le 9 décembre, dans la même émission. Mais "court" donc. 27 secondes en tout et pour tout, précédé de la rediffusion de la fameuse séquence polémique, qui aurait été "tronquée" sur les réseaux selon la journaliste. Les montages qui ont le plus circulé en ligne pendant plusieurs jours s'arrêtaient en effet à ce fameux "Ah oui". Écouter la suite suffirait donc à éteindre la polémique, à passer à autre chose selon la journaliste. Alors, nous l'avons fait.
On entend d'abord Alexis Corbière affirmer : "Les musulmans n’ont pas besoin qu’on leur tienne des propos antisémites, pour qu’ils votent pour quelqu’un. Je ne sais pas d’où vient cette idée que pour avoir les musulmans avec soi, il faudrait être antisémite". St-Cricq précise alors : "Ce n'est pas les musulmans qui sont condamnables, ce sont ceux qui croient qu’en leur disant des propos antisémites, on va pouvoir les rallier".
Qui sont ceux-là ? Qu'ont-ils dit exactement ? Nathalie Saint-Cricq, dont on connaît désormais le goût pour le "très court", ne développe pas. Et n'en dira pas plus le 9 décembre, quand elle s'excuse en 27 secondes, après plusieurs jours de polémique : "Si je n’ai pas été d’une clarté extrême, je tenais juste à dire que, comme vous l’avez entendu, je ne mets pas en question les Français de confession musulmane, nos compatriotes, je mets en question les politiques, et ça je maintiens, qui utilisent et qui manient l’antisémitisme en imaginant pouvoir rafler du vote. Il n’y a rien d’autre, je n’ai peut-être pas été suffisamment clair. Je maintiens que des partis politiques jouent avec le feu".
Hier, 11 décembre 2025, la même Nathalie Saint-Cricq recevait Sarah Knafo pour discuter de la privatisation de l'audiovisuel public sur le service public. Au cours de cette interview, si complaisante que la députée d'extrême droite s'est empressée de la relayer sur ses réseaux, Knafo s'adresse ainsi aux deux journalistes assises face à elle, Nathalie Saint-Cricq et Sonia Chironi : "C'est pas pour vous flatter, mais vous êtes de bonnes journalistes. Si jamais c'était le privé qui reprenait ce groupe, vous seriez sans doute gardées, l'une comme l'autre. Je ne pense pas que vous seriez virées. Un homme du privé qui viendrait racheter france info serait stupide de vous renvoyer si l'émission marche". Faisons là aussi très court : on a les soutiens qu'on mérite.