France 2 et "l'excentrique" Boris Johnson

Pauline Bock - - Coups de com' - Sur le gril - 4 commentaires

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"Merci, monsieur le Premier ministre. Oh ! Oh, la poignée de main ! Oh ! Mais vous m'avez écrasé la main !" s'exclame Anne-Elisabeth Lemoine. Une voix à l'accent anglais répond : "Pardon, je m'excuse..." On aperçoit une mèche de cheveux blonds : c'est Boris Johnson, l'ancien Premier ministre britannique.

"Une poignée de main indomptable !" clame le post Instagram de C à vous, faisant la publicité d'une émission qui fait elle-même la publicité du livre de Boris Johnson, Indomptable, qui vient de paraître chez Stock.

Hilarante, cette séquence ! Un ancien Premier ministre qu'on appelle encore par son ancien poste (alors que depuis 2022, Johnson n'a plus de mandat politique : il est désormais éditorialiste pour le Daily Mail) tout en le faisant passer pour un homme fort et compétent bien qu'un peu lourdaud, bref, attachant quoi ! En plus, Johnson a plein de choses à raconter : des anecdotes croustillantes, comme ce que pensait de la Reine d'Angleterre des connaissances en Histoire de Macron (médiocres, ce qui s'est confirmé avec ses récents propos sur Haïti), mais aussi et surtout un avis sur la politique internationale.

Rappelons tout de même, car ça ne sera que très partialement fait dans C à vous, qu'en quittant Downing Street, Boris Johnson a laissé derrière lui une traînée de scandales. Il a menti au Parlement britannique sur la gestion du Covid par son gouvernement, et il est accusé d'avoir payé la rénovation de son appartement avec des fonds publics ainsi que d'avoir fermé les yeux sur des conflits d'intérêts et des accusations d'agression sexuelle impliquant ses collègues conservateurs. Sans compter qu'il est le principal architecte du Brexit, et le relais de son plus gros mensonge : il avait assuré pendant la campagne que les économies réalisées iraient au service de santé britannique, ce qui était faux mais a convaincu de nombreux électeurs.

Dans C à vous, Lemoine et Cohen l'interrogent sur ses mensonges sur le Brexit et face au Parlement ("Si le Brexit ne fonctionne pas, c'est peut-être parce qu'il a été mal préparé, et expliqué aux Britanniques avec des mensonges ?") Dans les deux cas, Johnson fait du Johnson: il ne donne aucune réponse claire, et il n'y a pas de relance. Tout ça n'est, de toute façon, qu'une grosse pub pour son livre, mais ils auront au moins essayé. On ne peut pas en dire autant de son autre passage sur le service public.

Car c'était vraiment la "semaine Boris" : le 18 novembre, Anne-Sophie Lapix l'accueillait aussi dans le20 Heures et le présentait comme son "invité de marque, celui qui a fait appliquer le Brexit", "le plus excentrique et déterminé des Prime minister", rien que ça. Un court portrait précise bien que "ses mensonges ont précipité sa chute", mais n'espérez pas une question de Lapix à ce propos. Elle passe dix minutes à le brosser dans le sens du poil - qu'il a pourtant bien décoiffé : "Donald Trump a remporté une victoire massive, allant même chercher des électeurs du camp adverse, est-ce que ça vous a rappelé votre victoire de 2019 ?" ; "On a évoqué Donald Trump, quel est le dirigeant qui vous impressionne le plus parmi tous ceux que vous avez rencontré ?"

Lapix va jusqu'à dire que "tout oppose" Trump et Johnson, ce qui n'est pas faux sur certains sujets (la santé, l'Ukraine)... mais elle ne rappelle jamais que les deux hommes ont posé fièrement ensemble, ou que Trump, durant son premier mandat, appréciait tellement Johnson qu'il lui a donné son numéro de téléphone personnel. Depuis cet été, l'ancien premier ministre britannique tente un rapprochement avec Trump, espérant (pas si secrètement) devenir "l'homme qui murmurait à l'oreille de Trump" et regagner ainsi une crédibilité politique à Westminster.

Là où, à C à vous, Johnson est plus mesuré sur Trump ("Je suis plein d'inquiétude... On va voir. Regardez ce qu'il fait, pas ce qu'il dit"), il répond à Lapix en le complimentant : "Donald Trump a vaincu parce qu'il a donné aux Américains une idée pour l'économie. (...) Trump a dit : «Je vais mettre dehors les immigrants illégaux, je vais couper les impôts»"...
- C'était simple,
acquiesce Anne-Sophie Lapix.
- C'était très simple. Il y a beaucoup de gens en Europe qui craignent l'avenir avec Trump. Il y a une espèce d'hystérie en Europe, dans les médias européens, et à mon avis, c'est possible que Trump serait (sic) moins pire que vous croyez."


Bref : "Boris" est imprévisible. Est-il pour autant "indomptable", ou est-ce les médias français qui, trop ravis qu'il puisse s'exprimer correctement en français, préfèrent entrer dans son "show" plutôt que de rappeler qui est vraiment invité ?

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