Nos Vies Numériques - 6

Judith Bernard - - Sur le bout de la langue - 96 commentaires

On est très compulsif

Le fait est désormais indiscutable : Alain Finkielkraut, qui a des avis sur tout mais n'est documenté sur rien, dit énormément de conneries. Reconnaissons-lui tout de même - on a tout à coup un élan de compassion - certaines intuitions précoces : lorsqu'il soutenait, dès 2000 dans Internet, L'inquiétante extase (co-signé avec Paul Soriano) que la "qualité du jugement de l'internaute est inversement proportionnelle à sa vitesse de connexion", il pointait tout de même un rapport non dénué de pertinence entre la vitesse (haute) et la qualité (basse) des procédures cognitives qui nous jettent dans les pièges de la compulsion... Mais le titre l'annonçait déjà, avec son "extase" pleine de promesses : il y a des pièges pleins de volupté.

On a des impatiences, des obsessions, des compulsions.

On se souvient du temps où la connexion était un processus plutôt qu’une formalité. Alors on savait être patient: on écoutait ahuri la tuyauterie du bousin faire son crsssssh touit touit touit crsssshhhh, pendant de longues secondes qui laissaient tout loisir d’imaginer l’effort, la complexité, et la matérialité, même, des opérations numériques par lesquelles on se reliait au monde.

Comme s’il fallait à chaque fois forer un tunnel sous l’immeuble, par delà les égouts, sous l’océan, même (alors on échangeait des mails avec une am...

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