Macron "factuellement incontestable" (Cohen, France Inter)
Daniel Schneidermann - - Obsessions - 89 commentaires
Un simple communiqué. De six paragraphes, tout de même. Les cinq premiers sont signés de "l'Elysée". Le sixième est une citation directe du président de la République. A croire que "l'Elysée", dans cette muraille grise, avoue ce que le président n'ose pas dire : Lucie Castets ne sera pas nommée première ministre, au nom de la "stabilité institutionnelle"
. Cette décision, qui enfonce un peu davantage la France politique dans le chaos, Emmanuel Macron n'a pas osé l'annoncer lui-même aux électeurs qu'il a convoqués en juin dernier, en face d'une caméra, ou même face à des journalistes, même d'aimables journalistes de télévision.
Heureusement, dans la débâcle de la macronie, il a encore des porte-parole : Patrick Cohen est revenu à France Inter
. L'ancien présentateur s'est refait une virginité dans un lieu moins exposé, l'avant-soirée de France 5, où il a signé des éditos-enquêtes souvent factuellement bien charpentés. Il est temps pour lui de revenir dilapider ce capital de crédibilité dans l'exercice de l'avocat officieux du pouvoir.
Donc, chers auditeurs, apprenez ce matin (juste avant l'interview de Lucie Castets, invitée du jour) que le constat, par Macron, de la fragilité d'un éventuel gouvernement de gauche est "factuellement incontestable"
. Fallait-il pour le président, même dans le doute, "donner sa chance au produit"
Castets ? C'eût été "institutionnellement stérile"
. Qu'ont voulu les Français ? Certainement pas un gouvernement de la gauche, qui n'a réuni que "25% au premier tour".
Pas davantage une "grande coalition"
. Mais surtout "le refus du RN",
incarné par le Front Républicain,
appellation contrôlée d'un gouvernement qui aurait "un parfum de cohabitation"
(Copyright Elysée, voir l'Obsession d'hier).
Comment incarner ce refus du RN, autrement que par une "grande coalition"
? Patrick Cohen nous le dira demain.
Patrick Cohen a été chargé de cet édito quotidien, le 10 juillet, en remplacement de Yaël Goosz, chef du service politique d'Inter, qui assurait la même chronique depuis deux ans. Quelques jours plus tôt, sur le plateau de Quotidien
, contredisant ses chers collègues Pujadas et Malherbe, Goosz avait osé affirmer que selon lui, et selon le Conseil d'Etat, LFI n'était pas "un mouvement d'extrême-gauche"
. Comment donc ? LFI serait fréquentable ? Hop, dégagé ! En dix minutes.
Dégagé, non pas pour des raisons politiques, qu'allez-vous penser ? Que vont donc imaginer les journalistes d'Inter, dont 75 ont voté, à la suite de cette décision, une motion de défiance contre Adèle van Reeth, directrice d'Inter ? Simplement, selon des propos rapportés de la directrice, "le cumul de fonctions était devenu compliqué"
(entendez, Goosz était trop proche de cette rédaction de gauchistes).
Mais Yaël Goosz, bien entendu, conserve la direction du service politique, comme Charline Vanhoenacker conserve une pastille d'humour sur France Inter, station où la liberté d'expression, chacun le sait, est totale.