Coup de force, la situation à J+2

Daniel Schneidermann - - Obsessions - 128 commentaires

Ca va saigner. Ca va saigner au NFP, forcément. Plus précisément, ça va saigner au PS. Ils ont tellement envie que ça saigne, Duhamel, Pujadas, Brunet, tous les autres ! Il faut les voir, main en cornet autour de l'oreille, guetter le plus léger craquement. Sur LCI, Pujadas reçoit Mayer-Rossignol, maire PS de Rouen, éternel opposant de drauche à Faure. Woessner, Elkrief, Fourest : tout le plateau écoute l'oracle dans un silence religieux. Déception générale : non non non, il ne siégera pas avec Darmanin. C'est ensuite au tour de Caroline Fourest, de se lancer sans filet, aux barres asymétriques, dans une parabole post-olympoïde entortillée sur "le maillot France", et "les gens de bonne volonté" qui devraient former une équipe, tous ensemble, en excluant "les mauvais joueurs" (LFI, forcément). Flop sur le plateau. Bien essayé. Retournez à l'entraînement.

"Est-ce que vous irez manifester le 7 septembre avec LFI ?" attaque Benjamin Duhamel, qui reçoit Marine Tondelier sur BFM quelques minutes plus tard. LFI s'est joint à un appel des organisations de jeunesse à des rassemblements dans les préfectures. D'emblée, oui ou non. Blanc ou noir. "Tout le monde veut savoir !" (c'est le nom de la nouvelle soupière où BFM a recyclé pour la saison la bonne vieille soupe). Elle proteste.  Aimerait servir au moins quelques cuillers de sa soupe à elle, qu'elle a apporté dans sa gamelle.  Duhamel : "C'est moi qui pose les questions". Le piège est tendu. Si c'est oui, la question suivante sur la liste de courses est "prendrez-vous d'assaut les préfectures ?" Si c'est non : "alors, quand vous détachez-vous enfin de LFI ?"

Mini-pugilat autour de la soupière, comme on les aime. Réponse confuse, oui les écolos y seront, mais le 7 septembre est une date compliquée : dans les communes, ce week-end là, c'est la rentrée des associations, et "moi-même j'ai la braderie de rentrée d'Hénin-Beaumont". Ciel ! Alertez la sécurité ! Ce n'était pas prévu au programme :  les super-héros ont des familles, la vraie vie fait irruption sur BFM.  Soudain, dissonance cognitive, deux réalités parallèles s'entrechoquent : si nous sommes en plein coup de force institutionnel, dans un de ces Instants Suspendus où l'Histoire vacille, si nous vivons la crise la plus grave de la Cinquième (majuscules partout SVP), est-ce bien encore utile d'aller choisir entre saxophone et judo aux forums des associations, et des pantalons pour les gosses aux braderies de rentrée parce qu'ils ont grandi pendant les vacances ?  Eh bien oui. La vraie vie, figurez-vous Messieurs, a ses exigences. Si un gouvernement peut, dans l'allégresse, "expédier les affaires courantes", c'est plus difficile dans les familles. 

Dans l'intrigue principale (le NFP va-t-il exploser ?) s'insinuent deux thèmes secondaires opposés : 1) le NFP aurait dû mettre l'été à profit pour tenter de débaucher du macroniste, du MODEM ou du LIOT prenables (pas faux, il faut toujours essayer), et 2) Macron lui-même a mal joué. Il aurait dû nommer Castets, pour la regarder s'écraser au sol (Patrick Cohen, prenant le contrepied de son édito de la veille).  C'est aussi l'avis (coïncidence ?) du dynamiteur présumé, un nommé Hollande, François, qui tacle "une faute institutionnelle de Macron". Résurrection en direct de Tondelier : "c'est le François Hollande qu'on aime". Quand elle écrira ses Mémoires, j'ai un titre : l'union est un métier. 


A suivre.



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