Comment questionner le RN ? Faire simple !

Daniel Schneidermann - - Obsessions - 101 commentaires

Elles font les délices horrifiées des réseaux sociaux depuis le début de la campagne législative. Ce sont de courtes vidéos de candidates et de candidats RN, extraites de débats télévisés, et montrant leur embarras, leur impréparation, leur inexpérience, dès lors que l'on leur pose des questions précises. Incertitudes, bafouillements, radicale méconnaissance des dossiers. "Je n'y habite pas, mais je suis souvent sur Saint Etienne" commence ainsi la candidate Marie Simon (première circonscription de la Loire), qui enchaine ensuite les "euh".

Au-delà de ces réponses, quelque chose frappe l'oreille du téléspectateur habituel des chaines nationales que je suis. Les questions posées à la candidate ne recèlent aucun piège. Elles sont purement informatives, sur le mode : "que pourriez-vous faire si vous étiez élue députée ?" "Quels sont les dossiers sur lesquels vous comptez travailler ?"

Ecoutons par exemple la candidate sur la première circonscription de la Côte d'or, Cyline Humbot-Cornille, interrogée sur France 3 par Elsa Bezin et Anne Oger sur le programme du RN pour rendre du pouvoir d'achat aux Français. "L'argent on va en trouver".

Là encore, questions neutres, visant à faire préciser. "Où ?" "C'est à dire ?" "Et en termes de pouvoir d'achat, qu'est-ce que ça génère comme économies ? Vous pouvez quantifier ?"

Passons à Anis Bouvard (RN, 1ère circo de Haute-Savoie), et à ses grands projets sur l'écologie :  "Environnement, il faut, euh, enlever toutes les lois qui sont complètement débiles sur sur, euh, les voitures à faible émission, l'écologie punitive, tout ça ça doit cesser tout de suite".

Là encore, le candidat répond à la question très générale de Sebastien Germain (8 MontBlanc)"Quelles seront vos mesures pour concilier environnement et tourisme ?"

La  fameuse candidate qui a "un ophtalmo juif", Paule Veyre de Soras (Mayenne), et que Marine Le Pen range parmi les "braves gens", si elle a dû répondre à une question de leglob-journal, précise celle-là, sur les origines "racistes et fascistes" du RN, n'a ensuite été relancée qu'à coups de "En êtes-vous sûre ?" et de "C'est à dire".


Enfin c'est à une simple suggestion du journaliste de Nice Matin sur "les juges", qui pourraient être affectés par l'interdiction aux bi-nationaux d'exercer certaines professions, que le candidat Thierry Ferrand (7e circonscription Alpes-Maritimes) répond "oui, pourquoi pas ?"

Sans doute est-ce pour cette raison que au moins 21 candidats RN, entre les deux tours, ont annulé leur participation, ou refusé de participer à des débats télévisés.

Avec ce mode de questionnement, qui a le mérite de dépasser par le haut le dilemme sans réponse "faut-il interroger le RN comme les autres partis ?", on est aux antipodes des questions à rallonge des présentateurs nationaux, qui sont le plus souvent de pompeux éditoriaux, masqués plus ou moins habilement.  Sans doute ce questionnement serait-il moins adapté à des dirigeants nationaux, mieux préparés à déployer leurs éléments de langage. Sans doute y faudrait-il davantage de relances, solidement documentées, que face au troupeau de débutants. Mais les questions les plus simples ne sont pas toujours les moins efficaces. 

Rien de neuf. Jadis, en 2010, avant que Zemmour devienne Zemmour, proférant une énormité sur un plateau, et questionné sur ses sources par Frédéric Bonnaud ("d'où vous sortez ça ?"), il n'avait pu que se référer à "des rapports, et des articles de journaux..."De mémoire, c'est une des très rares fois où il fut désarçonné par un journaliste.

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