7 octobre : L'horreur par intermédiaires

Daniel Schneidermann - - Obsessions - 224 commentaires

Ces images, nous ne les verrons pas. Nous ne verrons pas ce que voient, horrifiés, nos consoeurs et confrères de la presse internationale. Nous ne verrons pas ces vidéos, issues des GoPros des assaillants du Hamas du 7 octobre, ou des smartphones des victimes israéliennes, ou encore de caméras de surveillance, que l'Armée israélienne a projetées, "sans montage". Il nous faut donc nous contenter de ce qu'en racontent ceux qui les ont vues, ici ou . Conducteurs au volant, vieillards, nouveaux nés, père devant ses deux enfants, teufeurs, et un chien : tous abattus à bout portant, parfois achevés sous les applaudissements. Appel d'un assaillant à son père : "papa, regarde ton WhatsApp, j'ai tué dix Juifs.  Dix Juifs de mes mains. Sois fier de moi !"

Nous sommes appelés à  croire les mots de ceux qui ont vu, à regarder par leurs yeux, à contempler ces photos de l'assistance, aussi longtemps que nous le souhaitons, à nous identifier à leur sidération, dans leur amphithéâtre. On nous préserve du voyeurisme. Ne me demandez pas si c'est bien, si c'est vertueux, s'il aurait mieux valu montrer l'horreur directement, sans intermédiaires, si Tsahal a choisi de préserver la dignité humaine au détriment de l'efficacité visuelle, ou si au contraire c'est par l'exhibition indirecte qu'elle sera plus efficace.  Je les regarde regarder. Je n'oublie pas l'horreur d'en face, dans ses gravats, dans les hôpitaux privés d'électricité, filmée sans intermédiaires, par les journalistes survivants.

A mesure que s'éloigne le choc du 7 octobre, retrouvent droit de cité, heureusement, des paroles plus sages, allant déterrer en profondeur les racines de la guerre. Si vous l'avez manqué, je vous recommande l'intervention du député MODEM Jean-Louis Bourlanges, au cours du débat de l'Assemblée, hier lundi (devant un  hémicycle aux trois quarts vide comme un lundi ordinaire, remarquons-le en passant).

Oui. Il est bon aujourd'hui de faire résonner ces noms du passé. Les noms du travailliste Rabin, bien entendu, mais aussi des Likoud Begin et Sharon, deux généraux et un ex-terroriste, qui "ont eu une conscience aigue de la vulnérabilité d'Israël" et, pour Sharon, ayant "pris conscience de l'impuissance de la force" au Liban, amené le pays à "renoncer à ses ambitions coloniales en Cisjordanie".

Ce discours, comme les autres, a été prononcé sous le perchoir de la présidente Yaël Braun-Pivet. Avec quarante-huit heures de recul, à quoi se résume l'équipée Braun-Pivet en Israël ? A un inimaginable faux-pas diplomatique, piégeant même la position officielle de la France. S'il fallait la résumer, cette position, aujourd'hui, serait la suivante 1) Le droit d'Israël à se défendre. Et ensuite, en petits caractères, 2) mais en protégeant autant que possible les populations civiles, et dans le respect du droit international.  

Elle se discute, elle peut se contester, mais c'est la position de la France. Là-dessus, mandatée par elle-même, encadrée par les deux faucons pro-israéliens Ciotti et Habib (l'un au titre de représentant de l'opposition, l'autre au titre de député de la circonscription), la présidente de l'Assemblée Nationale s'envole pour Israël, où elle déclare que "rien ne doit empêcher Israël de se défendre".  Certes elle rappelle l'importance que"les populations civiles qui sont aussi à Gaza soient le moins possible victimes de ce conflit" mais en ajoutant qu' "elles servent souvent de boucliers humains".

La diplomatie, c'est un métier. Un métier ingrat, dans lequel chaque virgule compte, chaque mot est pesé. On imagine la réaction des diplomates français, lisant du Braun-Pivet dans le texte. Comme on pouvait l'imaginer, le 10 octobre dernier, assurant au perchoir que "Israël est un pays ami, à qui je veux réaffirmer, au nom de la représentation nationale, notre soutien inconditionnel".

Mais non contente de saboter la position de la France dans toute cette partie du monde qui ne soutient pas inconditionnellement Israël, voici notre présidente, à peine rentrée en France, qui vient chouiner à l'antisémitisme au micro de Demorand et Salamé. Car  Mélenchon vient de l'accuser de "camper à Tel-Aviv pour encourager le massacre". Camper. Il a dit "camper", comme Mathilde Panot, lors de la reconduction d'Elisabeth Borne à Matignon, l'avait qualifiée de "rescapée. Vous êtes la première ministre la moins bien élue de la Ve République".

Dieu sait qu'en ce moment, je n'ai aucune envie de défendre Mélenchon, qui fracasse, ou au moins laisse fracasser cette NUPES à laquelle, stupide résidu anachronique que je suis, j'ai cru l'an dernier. Mais tout de même, ce procès ! Ha ha, vous avez dit "campe à Tel Aviv", mon gaillard. Votre compte est bon ! Comment donc ? "Campe". Ca ne te dit rien, "campe" ? Si. Camping. Campement. Camp de réfugiés, à la limite. Fais pas l'idiot. T'as dit campe. Campe. Campe. Tous fous.



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