zemmourisés actifs et passifs

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 177 commentaires

Ça s'ensauvage. Il est sûr que ça s'ensauvage. On voit "sur le terrain" des choses qu'on ne voyait pas il y a vingt ans. C'est le président du syndicat des commissaires, David Le Bars, qui l'affirme au micro de Guillaume Erner, sur France Culture. Et le racisme policier ? enchaîne ensuite Erner. Ah, réplique le syndicaliste, s'il y a des bavures isolées, il faut les poursuivre ! Erner livre ensuite "une hypothèse" : et si l'ensauvagement délinquant et l'ensauvagement policier s'entretenaient l'un l'autre, se nourrissaient l'un de l'autre ? C'est une hypothèse intéressante. Mais Le Bars ne répond pas.

Pendant ce temps, au journal de 7 heures 30, France Inter consacre deux minutes à la grave question des certificats de virginité. Dans le cadre de son projet de loi contre le "séparatisme", Gérald Darmanin souhaite pénaliser les médecins qui en fournissent. Julie Pietri, de France Inter, est allée interroger une de ces gynécologues, Ghada Hatem, fondatrice de la Maison des Femmes, à Saint Denis, qui assume de fournir de tels documents à "certaines jeunes femmes, qui sont mariées de force ou dans le cadre de mariages 'arrangés' comme on dit". Pour information, selon la médecin cheffe, la question concerne environ trois cas par an. Pour ceux qui souhaitent néanmoins consacrer du temps de cerveau matinal à ce "débat", le reportage est ici.

Ce n'est pas un hasard, si cette question ultra-marginale arrive au journal de 7 heures 30 de France Inter. C'est parce que Emmanuel Macron et Gérald Darmanin l'ont voulu, en incluant cette disposition dans le projet de loi sur le "séparatisme". Cela s'appelle le pouvoir de fixer l'agenda. Ecoutez n'importe quel journal de France Inter, et comptez le temps qu'y occupent les initiatives gouvernementales de toutes natures. Evidemment, derrière, France Inter fait son travail, en allant interroger Ghada Hatem, et en rappelant que l'affaire ne concerne que trois cas par an. Il faut distinguer zemmourisation active, et zemmourisation passive. Les zemmourisés passifs sont mûs par le souci, louable, de ne pas abandonner le terrain aux agents actifs du zemmourisme. France Inter, en l'occurrence, se range bien entendu dans la seconde catégorie, se contentant de suivre l'agenda, sans épouser les thèmes. N'empêche que deux minutes d'antenne ont été volées à un autre sujet. 

Et derrière Macron et Darmanin ? Derrière Macron et Darmanin, il y a l'élection de 2022, où l'adversaire la plus redoutée par Macron s'appelle Marine Le Pen. En agitant le chiffon rouge zemmourien du "séparatisme", et le sous-chiffon des certificats de virginité, Darmanin n'a pas d'autre but que de lui piquer des parts de marché, comme naguère son modèle Sarkozy en créant un "ministère de l'Identité nationale". Les fumigènes d'alors s'appelaient burqa, minarets, mosquées, etc. Les Darmanin succèdent aux Sarkozy. Les recettes restent désespérément les mêmes.

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