Yacht-club de Vincennes : vive les gaffes ?

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 118 commentaires

"EELV : après les avions, les bateaux !" proclame fièrement le bandeau de CNews. Il faut les voir jubiler. Il faut les voir se précipiter sur l'aubaine : un jeune conseiller municipal de Vincennes (Val de Marne) a refusé de voter une subvention au "yacht club" local, au motif que la navigation est une activité "polluante". Pas de chance, l'a immédiatement repris la maire UDI : le "yacht club" organise des activités en rapport avec...la navigation à voile, qui "marche avec le vent", comme chacun sait. Honte du gaffeur, Quentin Bernier-Gravat, étudiant par ailleurs, qui s'en est expliqué ("j'avais bossé mes partiels, un peu moins mes dossiers"). Incidemment, l'élu, a posteriori, a donné le vrai motif du refus de subvention : la belle commune de Vincennes étant insuffisamment pourvue en plans d'eau navigables, toute activité nautique suppose un long trajet automobile vers l'océan le plus proche, trajet polluant (ici le programme du club en 2018, dernière mise à jour). On en pense ce qu'on veut, mais la thèse se soutient. Cela s'appelle le débat politique. Voir ci-dessous LA gaffe et son commentaire, mise en ligne par Politoscopie94.

Mais La Gaffe fait le tour des médias du pays. La belle gaffe ! L'appétissante gaffe ! Miam ! Qui reprendra un morceau de yacht club ? La maire Charlotte Libert-Albanel est évidemment invitée par CNews à raconter comment elle a terrassé le khmer vert. Sûr que ce soir, demain, Fox News, la vraie, l'originale, reprendra la séquence du khmer vert terrassé dans la no-go-zone de Vincennes. Car bien entendu, cette gaffe survient "après les avions". C'est à dire, après que la maire de Poitiers a été le sujet d'un emballement médiatique national pour avoir supprimé des subventions d'une hauteur de 4000 euros aux aéro-clubs locaux. Et après que les élus EELV, comme l'ont tambouriné les mêmes médias, ont proposé d'arracher tous les sapins des forêts d'Europe dans d'atroces souffrances, et de supprimer le Tour de France, avec envoi immédiat au Goulag. C'est l'écologie elle-même, qui n'est plus qu'une gigantesque blague, une grande gaffe.

Cette haine contre le jeune gaffeur. Cette haine contre Greta Thunberg. Cette haine contre toute cette génération qui a métabolisé l'urgence climatique, et alerte dans l'urgence et parfois, oui, excusez-les, en révisant leurs partiels. Comme ils peuvent haïr les écolos, tous les grillés de demain, tous les touche-pas-à-mon-aéro-club. Mais cette haine, après tout, est peut-être une bonne chose qui, en dépit de tous les efforts de CNews, fait tourner le débat politique autour de l'écologie. "La centralité que cela nous confère est une bonne chose. On voit que l’écologie politique est le nouveau paradigme, ce contre quoi le vieux monde se mobilise" dit Arnaud Champremier-Trigano, conseiller en communication de EELV, dans une une analyse contre-intuitive du Monde, que je vous conseille. Vive les gaffes ?

Lire sur arretsurimages.net.