Wauquiez : des avantages du ventilateur à bullshit

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 44 commentaires

S'assumant multirécidiviste du bullshit, Wauquiez révèle les journalistes comme ce qu'ils sont : des comparses de bonneteau.

Au deuxième matin, le mystère se dissipe. La veille encore, l'éditocratie matinale se grattait le menton : Wauquiez a-t-il fait exprès, de sulfater ses petits camarades, ses alliés, ses adversaires, devant des étudiants lyonnais, sachant que ses propos fuiteraient d'une manière ou d'une autre, ou bien a-t-il été victime de l'équipe de Yann Barthès, qui s'est procuré l'enregistrement de la séance ?

Tout le week-end a été squatté par la fuite de l'enregistrement de ce "cours" de Wauquiez. Je ne peux pas citer tous les extraits. Régalons-nous seulement de celui-ci. "Il faut que tout ce que je dise reste entre nous. Sinon, ce que je vais vous sortir sera juste le bullshit que je peux sortir sur un plateau médiatique". Pour la version intégrale du premier épisode, écouter ci-dessous.

Au deuxième matin, dans la seconde livraison consécutive de TMC, au terme d'un second montage de sulfatages variés (cibles : les députés LREM, Juppé, le MEDEF de sa région), Wauquiez lui-même sembla livrer la clé du mystère: "En gros dans ma vie politique, dès que j’ai plus de 2 personnes autour de moi, il faut toujours que je me dise que tout ce que je dis va sortir".



Cette affirmation pose un intéressant syllogisme. Soit un multirécidiviste du bullshit ("je parle arabe", "j'ai connu Soeur Emmanuelle", etc). S'il nous dit qu'il répand ce bullshit intentionnellement, faut-il considérer cet aveu lui-même comme du bullshit ? Supposons ce syllogisme résolu, et admettons : il nous la fait "à la Trump". Plus c'est gros, plus ça plaira. 

Au fond, peu importe. Le mensonge des politiques, c'est l'éléphant dans le couloir. Pour un Wauquiez qui assume, combien d'hypocrites menuets, où les danseurs tournent autour du bullshit en feignant de ne pas le voir ? Hier matin, Léa Salamé interrogeait sur Wauquiez...le président de l'Assemblée Nationale, François de Rugy. De Rugy ? Le même qui, candidat à la primaire du PS l'an dernier, avait promis de soutenir le vainqueur, avant de rallier Macron ventre à terre ? Oui, le même. Et croit-on que l'épisode, à propos du mensonge en politique, lui fut rappelé par Salamé ? Pas le moins du monde.

Et encore au même moment, sur la radio voisine : "Les yeux dans les yeux, je n'ai abusé aucune femme", assurait l'ovationné de l'Assemblée Gérald Darmanin à Jean-Jacques Bourdin, convoquant étrangement le fantôme de Cahuzac, pionnier du bullshit de la décennie. 

Il y a bullshit et bullshit


Il y a bullshit et bullshit. Il y a le bullshit admis, distingué, servi avec le petit doigt en l'air, et le bullshit rustique, décomplexé, à la Wauquiez. Ce bullshit qui prend pour acquis, implicitement ou explicitement, ce constat : si forte est la détestation des journalistes, qu'un bon gros éparpillement de bullshit, façon puzzle, ne pourra que plaire au public.

S'assumant comme ventilateur à bullshit, Wauquiez place les journalistes devant le miroir de ce qu'ils sont, quand ils interrogent des politiques : des raffineurs de bullshit. Des blanchisseurs de bullshit. Des comparses de bonneteau. Les règles du jeu sont posées. Elles sont claires. Aux partenaires de décider désormais comment gérer cette situation inédite.


Lire sur arretsurimages.net.