Sur une ovation debout à Gérald Darmanin

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 59 commentaires

Il faut bien regarder cette capture écran. On y distingue surtout des hommes, mais aussi quelques femmes. Le nombre de femmes députées a augmenté dans la présente législature (224 femmes sur 577 députés), et c'est parfait. C'est pour cette raison qu'on voit quelques femmes. Ces hommes et ces femmes sont en train d'ovationner debout le ministre du budget Gérald Darmanin. Je ne connais pas le contexte précis de cette ovation. Je n'ai que la légende de la capture écran du journal de TF1. Le ministre du budget est sans doute applaudi pour d'autres raisons, que l'ouverture d'une enquête préliminaire pour viol, trois jours plus tôt. Mais il est applaudi, rappelle Gilles Bouleau, trois jours après l'ouverture de cette enquête pour viol. Il est difficile de voir dans cette ovation autre chose qu'un soutien.

A une femme, Sophie Spatz, venue en 2009 lui demander une intervention, alors qu'il était jeune chargé de mission à l'UMP, Darmanin a répondu en posant la main sur la sienne, et il a dit "il va falloir m'aider, vous aussi". Et puis, après un détour par un club échangiste, ils ont fait l'amour dans une chambre d'hôtel. La femme porte aujourd'hui plainte pour viol. Je ne sais pas si la qualification de viol sera retenue, il est probable que non, mais ce qui est certain, c'est le reste : la demande d'intervention, la main, le club échangiste, l'hôtel, les textos. Depuis la publication, dans Le Monde, du récit de l'affaire, tous les ministres interrogés ont soutenu le maintien au gouvernement de Gérald Darmanin, y compris Marlène Schiappa, ministre de l'égalité des droits entre les hommes et les femmes. "Gérald Darmanin est présumé innocent", a-t-elle dit, en ajoutant étrangement "mais la femme accusée de dénonciation calomnieuse est présumée innocente aussi". Pourquoi avoir besoin de le rappeler ?

Et voilà l'homme que les parlementaires applaudissent debout. On verrait cette image, cette seule image, au parlement turc, ou turkmène, ou tchétchène, la cause serait entendue : des barbares, des arriérés.  Que dire, quand cela se passe au Palais Bourbon, sur les bords de la Seine ?

Rien à voir. Loin des caméras, l'Association contre les violences faites aux femmes au travail vient d'annoncer qu'elle fermait sa permanence téléphonique (on peut voir ici notre émission avec son animatrice, Marilyn Baldeck). Elle est victime de son succès: le nombre de ses saisines a doublé entre 2015 et 2017, sans aucune augmentation de ses subventions. Y compris après que Emmanuel Macron a annoncé, le 25 novembre 2017, que la lutte contre le harcèlement sexuel comptait au titre des priorités de l'inspection du travail. "Sans aucun moyen supplémentaire" rappelle l'AVFT. Mais devant de nombreuses caméras.

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