Vivendi, une leçon d'économie des medias

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 35 commentaires

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Tout arrive : Vivendi a un nouveau chargé de com' pour Canal+.

L'entreprise de Bolloré a mis du temps à le recruter. Il faut dire que c'est un véritable défi professionnel. Défendre la stratégie qui a pulvérisé l'image de la chaîne, qui a tenté (sans succès) de noircir ses comptes pour forcer l'Autorité de la concurrence à accepter une opération de fusion, qui a fait fuir tous les animateurs qui faisaient la réputation de la chaîne : pour un professionnel de la com', le défi était de taille. Il est en train d'être relevé sous nos yeux par un professionnel courageux, du nom de Thierry Ardisson.

Depuis quelques semaines, Ardisson se dépense sans compter, pour promouvoir l'image de la boîte, multipliant les invitations de recrues maison dans son émission de Canal+, en application des directives de synergie données par le patron. Bientôt une tournée africaine, certainement, et une émission en direct des plantations du Cameroun.

Mais défendre la boîte ne suffit pas. Il faut aussi défendre le patron lui-même, et sa politique, à quoi Ardisson s'est employé cette semaine chez Morandini, dans une tirade échevelée, injustement passée trop inaperçue. A propos du départ d'une fournée d'animateurs ? "Pendant des années, on payait des fortunes des animateurs qui n'étaient pas extraordinaires, entre nous. Il y en a plein qui sont juste virés, parce qu'ils sont m...qu'ils ont échoué". Mais le plus intéressant, c'est la défense par Ardisson, partant de l'exemple Canal+, de l'économie libérale en général. "Il y a intérêt à faire des économies sur Canal. Quand on voit les chiffres, je comprends que Vincent Bolloré ait envie de faire des économies. M. Bolloré est là juste pour que les actionnaires gagnent plus d'argent, ce qui est le principe du système capitaliste. Si on n'accepte pas ça, il faut aller faire de la télévision en Corée du Nord. Là, les actionnaires en perdent, enfin, ils n'en gagnent pas assez". Les contestataires de Bolloré ? "D'un seul coup, ils se rendent compte qu'ils vivent dans un monde libéral, et qu'il faut faire des choses libérales, quoi. C'est pour ça qu'il y a Macron, qu'il y a la loi travail, etc".

En remerciement de ses bons et loyaux services, Thierry Ardisson, à la rentrée prochaine, devrait produire, ou animer, trois émissions sur D8, dans lesquelles se démultiplieront ses possibilités d'inviter des artistes, des intellectuels, des écrivains, de préférence maison, et en tout cas qui pensent bien. Il faut, nous aussi, le remercier, de donner à lire de manière aussi limpide la manière dont l'actionnariat d'un groupe de media en infléchit directement l'idéologie. Le processus est le plus souvent masqué, ou subreptice. Par le jeu des licenciements et des censures ou bien, comme ici, des stratégies de promotion interne, Vivendi, lui, fait les choses de manière frontale, assumée. C'est vintage, et presque rafraichissant.

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