Vie privée, apologie, pédophilie : arrêt sur trois mots de l'affaire Mitterrand

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 140 commentaires

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Comme il était prévisible, dans l'affaire Mitterrand

, les mots fusent dans tous les sens, et le matinaute entend n'importe quoi. Xavier Bertrand parle ainsi de "vie privée". "C'est scandaleux que certains aillent fouiller la vie privée d'un homme. Cela rappelle des heures sombres de notre histoire". On n'ose comprendre l'ancien ministre. Est-ce une allusion aux déportations d'homosexuels par les nazis ? S'agissant d'une autobiographie, vendue à 190 000 exemplaires, et dont l'auteur est allé faire la promotion à plusieurs reprises à la télévision, la vie privée n'est plus du tout privée. Mitterrand, en outre, n'a jamais fait mystère de la parfaite identité entre l'auteur et le narrateur de" La mauvaise vie". C'est donc lui, et personne d'autre, qui a fait de sa sexualité un objet de débat public.

Mais que confesse-t-il exactement ? Martine Aubry "ne peut pas croire que Mitterrand fasse l'apologie du tourisme sexuel ". Apologie ? A en croire les citations lues par Marine Le Pen (je n'ai pas lu La mauvaise vie en entier, je suis en train de le faire, et vous en re-parlerai quand je l'aurai terminé), on ne peut en effet parler d'apologie, mais, disons, de l'aveu d'une impuissance, par un consommateur de tourisme sexuel, à lutter contre ses pulsions. Problème: cet aveu ne s'accompagnant d'aucun remords apparent, d'aucun désir (par exemple) de subir une castration chimique, ne se trouve-t-on pas dans une apologie implicite ? On attend avec impatience les conclusions de la lecture de Martine Aubry (et, accessoirement, de tous ceux qui discourent aujourd'hui de castration chimique).

Reste la fameuse "pédophilie". Elle explique l'explosion actuelle, Mitterrand prêtant le flanc au soupçon d'être lié à Polanski par une solidarité de pédophiles. Le mot est doublement impropre. Comme l'expliquait bien Eolas sur notre plateau, il est impropre dans l'affaire Polanski, la jeune Samantha ayant présenté à l'époque des signes indiscutables de puberté. Et Mitterrand ? Dans les extraits en question, il évoque des "jeunes garçons", sans plus de précisions. Mais en 2005 lors de la sortie du livre, fortement sollicité par Giesbert (il faut voir la séquence dans toute sa longueur) il finissait par préciser que ce mot, dans la bouche des homosexuels, peut évoquer des hommes de tous âges. Admettant courir le risque de l'amalgame, Mitterrand lançait même à Giesbert en riant : "vous êtes un très beau garçon, j'aurais dû vous mettre dans le livre". Ces précisions apportées, le débat peut se poursuivre.

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