Une martyre nommée Chabot

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 70 commentaires

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Sans me vanter, comme disait l'autre, je crois pouvoir annoncer

que la rentrée ne va pas être simple. Prenons l'éviction de Chabot, qui nous a cueillis vendredi soir, en plein déballage des sacs de voyage. A en croire les confrères spécialisés, Chabot, évincée par Rémy Pflimlin de la direction de l'information de France 2 et France 3, tombait en martyre de la liberté de la presse. Cette éviction, estimait gravement Le Monde, plaçait sous "un mauvais jour" les premières heures de la présidence Pflimlin. Et tout le monde de rappeler en choeur que l'évincée s'était pris un sacré savon sarkozyen devant témoins, un jour de l'an dernier, à propos de la mauvaise qualité des émissions politiques de France 2. On n'attendait plus que le communiqué indigné de Reporters Sans Frontières.

On ne trouble évidemment pas un choeur si harmonieux, mais il me semblait surtout me souvenir que Chabot, six ans durant, fut une parfaite orchestratrice de l'agenda du pouvoir sur les chaînes publiques. Du matraquage de débats sur l'identité nationale, justement dénoncé par Vincent Peillon, à la manière insistante dont elle souffla à DSK la dénonciation du "dogme" de la retraite à 60 ans, en passant par quelques broutilles comme le boycott actif de Mélenchon, aucun pouvoir n'aura eu à s'en plaindre. Et s'il n'y avait que l'agenda ! Mimiques, soupirs excédés, appels incessants à ses invités à dépasser la "langue de bois" dès qu'ils entendaient développer une pensée: Chabot possédait une capacité inégalée à traduire la doxa du moment en langage non verbal.

Qu'elle soit évincée par un nouveau PDG lui-même nommé par Sarkozy, en fait pourtant automatiquement une martyr. Inutile de le déplorer : c'est mécanique. C'est inéluctable. Ce basculement surréaliste souligne une fois de plus la perversité de ce système de nomination, qui va immédiatement rendre soupçonnable chaque acte du nouveau président de France Télévisions, comme ceux de son collègue de Radio France. Pour la millième fois, on objectera que le système de nomination par le CSA était simplement plus hypocrite. Peut-être. Mais le CSA était au moins une machine à sauver les apparences, et peut-être urge-t-il de réhabiliter les apparences. Bref, la rentrée ne va pas être simple. Ce qui est une raison supplémentaire d'être heureux de vous retrouver.

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