Une carte postale du vieux monde : j'ai lu L'Obs
Daniel Schneidermann - - Financement des medias - Le matinaute - 35 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
On ne se rend pas compte, mais ce n'est pas toujours simple, la vie d'idiot utile des dieudonnistes.
Aux petites heures de la matinée, je reçois par exemple un mail du "secrétariat de Marc-Edouard Nabe", qui tient à me signaler un petit article du Point, lequel signale lui-même la parution à venir du prochain livre de Nabe: une charge contre Dieudonné et Soral, accusés d'avoir déshonoré l'antisionisme (pour les idiots utiles mais incultes, référence polémigène à Bernanos, qui accusait Hitler d'avoir déshonoré l'antisémitisme). Si je comprends bien, Nabe accuse Dieudonné et Soral de n'être que de vulgaires conspirationnistes, déguisés sous le masque de l'antisionisme. Des antisionistes de pacotille. Ciel ! Nabe contre Dieudonné et Soral, maintenant ! Mais comment va-t-on décompter, désormais, ses prochaines interventions chez Taddeï ? Dans le temps de parole des mainstream, ou dans celui des conspis ? Fourest et Cohen vont être perdus.
A quelque chose polémique est bonne, j'ai décidé de relire L'Obs. Oui, L'Obs papier, que j'avais délaissé depuis quelques mois (ou quelques années). Car derrière mon nouvel ami Cohen et son scud, qui occupent cette semaine, donc, une pleine page de l'hebdo, il ne faudrait pas oublier ceux qui ont armé sa main et l'ont sans doute entrainé dans le traquenard, toute la bande à Joffrin, Dély et Etchegoin. Ah, L'Obs ! Bouffée de jeunesse. Petite madeleine. Strates empilées des décennies du dernier siècle. On ne dit pas assez à quel point, dans un monde en mutation, la lecture de L'Obs peut être rassurante. Ce n'est pas un journal, c'est un objet transitionnel pour vieux ados de gauche, à grosses montres et belles demeures. Mêmes signatures, mêmes sujets, depuis les années 80 (voire avant). Edito de Jean Daniel sur "le miracle tunisien". Double page de pub pour un forum ramasse-subventions européennes, ce week-end, à Athènes (à quoi servent ces machins, notre enquête était ici). Tiens : dans toute la liste des intervenants, ils ne sont pas arrivés à attirer Tsipras, malgré quatre pages élogieuses, un peu plus loin dans le journal. Pages d'écho sur Copé, Bové, Bayrou, Duflot, Filippetti. Reportage-saga sur Jean-Claude Gaudin -"peut-il perdre ?"- commençant par cette forte phrase d'attaque, très Obs : "il a minci". Une carte postale du vieux monde.
En cerise sur le flan, une rencontre : les journalistes maison y sont allés à deux pour interviewer Peter Hartz, oui, l'ex-conseiller de Schröder, le père des "mini-jobs", celui-là même avec qui Sapin et Touraine ont annulé en catastrophe leurs rendez-vous, l'autre semaine, après leur révélation malencontreuse par un journal allemand (on vous racontait tout ça ici). Privé de ministres lors de son passage à Paris, Hartz n'a donc pas tout perdu, puisqu'il a rencontré L'Obs. Il ne s'agit évidemment pas de rappeler que l'homme est totalement discrédité en Allemagne, après sa condamnation pour corruption et fourniture de prostituées aux dirigeants syndicalistes de Volkswagen, lorsqu'il en était DRH (l'affaire est rappelée en quatre lignes, sur trois pages). Il s'agit de se pencher sur sa dernière idée : un "radar pour l'emploi". En gros, si j'ai bien compris, avec mes méninges d'idiot, l'idée consisterait à exploiter "les données de masse recueillies par Internet", pour proposer, rue par rue, des services de jardinage ou de prise en charge des personnes âgées. Sans rire, c'est intéressant. On ne comprend vraiment pas pourquoi Sapin et Touraine ont annulé leur rendez-vous. Mais rien n'est perdu, j'imagine qu'ils lisent L'Obs.