Un micro-trottoir de première nécessité

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 100 commentaires

Au lendemain de l'annonce de la fermeture des marchés, le 20 Heures de France 2, comme il se doit, a foncé sur un marché. Ce n'est pas la grande foule, il n'y a qu'une cliente. Mais France 2 l'a repérée. Comme le seul boucher présent. S'il ne reste qu'un passant dans une rue française, il y croisera une caméra de France 2. Donc, une journaliste et un JRI ont pris leur voiture, bravé le confinement, risqué de contaminer et d'être contaminés, pour aller interroger la cliente unique du marché d'Auchel (Pas-de-Calais) . "Vous madame, qu'en pensez-vous que le boucher soit venu ?" 

Et à l'Elysée, à propos, que se passe-t-il ? L'habituel envoyé spécial est là, dans la rue lui aussi, devant le château. Macron va-t-il prolonger le confinement à six semaines, comme vient de le recommander le conseil scientifique ? Peut-être que oui, peut-être que non. "Le chef de l'Etat devrait s'exprimer d'ici la fin de la semaine". Merci Julien. Ça valait le coup de mettre ta cravate, et de sortir de la rédac. 

Pendant le confinement, le 20 Heures s'accroche à son drapeau, son oriflamme : ses micro-trottoirs aussi vides que les avenues parisiennes. On sait que les journalistes s'y sont opposés. Déjà toxiques pour le téléspectateur en temps ordinaire, les micro-trottoirs -outre qu'ils volent du temps d'antenne aux enquêtes qui seraient nécessaires, sur la pénurie de masques ou l'hécatombe des EHPAD- mettent aujourd'hui en danger les journalistes qui y sont assignés. Mais France 2 désire apparemment nous faire croire que France 2 continue, indemne, avec tout son appareil de micro-trottoirs et de maquilleuses, planant au-dessus de la planète confinée, pour accomplir hors de toute contrainte sa sacro-sainte mission d'informer.

Les gestes-barrières, ce n'est pas pour France 2. Les sorties limitées par la gendarmerie à la première nécessité, ce n'est pas pour France 2. Je vous parle de première nécessité, en référence à cette vidéo, qui faisait l'autre jour les délices et les débats de mon Twitter.


Le prochain arrêté définira-t-il le produit de première nécessité ? En attendant, à quand des gendarmes épluchant de la même manière les images ramenées dans leur cabas par les micro-trottoiristes de France 2, et posant de la même manière la vaste question de la "première nécessité" ?

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