Ukraine : et maintenant, s'informer

Daniel Schneidermann - - Intox & infaux - Numérique & datas - Le matinaute - 270 commentaires

Première leçon de l'offensive russe déclenchée cette nuit sur l'Ukraine : oui, il fallait croire les alarmes du renseignement US. Contre notre scepticisme naturel à l'égard de toutes les intox du renseignement, quel qu'il soit.  Il fallait les croire, contre tous nos souvenirs d'intox, en 2003, sur les "armes de destruction massive" en Irak.  Les croire contre les déclarations apaisantes des Ukrainiens eux-mêmes, à commencer par le président Zelenski. Quoique prudemment exprimé, mon scepticisme naturel, tous ces derniers jours, est cruellement démenti par l'événement. À ma décharge, je suis en bonne compagnie. "Je me suis trompé" vient de reconnaître le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, qui lui non plus, ne voulait pas croire au pire. Et je ne mentionne que pour mémoireles glorieux "prophètes" Zemmour et Le Pen entonnant le même air du "Poutine n'ira jamais en Ukraine".

De la même manière, il fallait prendre au sérieux les menaces de Poutine.  Croire Poutine, c'est aujourd'hui prendre au sérieux son projet insensé de "dénazifier" l'Ukraine (dont le président est juif). C'est écouter l'ambassadeur russe à l'ONU quand il évoque "la junte au pouvoir" à Kiev. On est bien au-delà du Donbass, qui n'aura été qu'un pauvre prétexte à ce qui ressemble à un projet d'annexion de fait de l'Ukraine, comme les Sudètes de Tchécoslovaquie en 1938 (je ne compare pas les dictateurs. Je compare les mécaniques, et les discours de justification). Ni les uns ni l'autre ne bluffaient. Ils décrivaient bel et bien un engrenage inéluctable. Tout cela dit, et même si la guerre va étouffer tout discours, tout point de vue non-guerrier, il importe de continuer à garder en vue les motivations de l'agresseur, qu'elles soient historiques, géopolitiques, ou... psychologiques.

Et il importe surtout de s'informer le plus correctement possible. La parole aux reporters de terrain, comme notre invité Loup Bureau. Je parlais de métadonnées : et maintenant, la parole aux faits bruts, que collecte la fameuse OSINT ("open source intelligence") . La parole aux observations satellite, qui nous décriront les mouvements de troupes. La parole à toutes les sources ouvertes, y compris Google Maps, qui vont colorer la couverture de ce conflit majeur. Ce sont elles, bien davantage que les discours, qui diront la vérité de cette guerre que Vladimir Poutine vient de déclencher en Europe.

Mise à jour, 11 heures : suppression d'un passage erroné sur les métadonnées de l'intervention du 24 février de Vladimir Poutine, qui auraient laissé penser que cette intervention aurait été enregistrée quelques jours plus tôt.

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