Trumpeurs, trumpés, et détrumpisation

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 73 commentaires

Il se trouve des journalistes français, et il se trouvera sans doute de nombreux citoyens de par le monde, pour s'extasier devant l'image du parterre de 190 000 drapeaux, devant lequel le 46e président des États-Unis, Joe Biden, prêtera serment aujourd'hui.  Sans parler des 400 lumières, devant lesquelles les couples Biden et Harris ont rendu hommage, hier soir, aux 400 000 morts états-uniens du COVID.  Cette imagerie, personnellement, (et sans aller jusqu'à évoquer les grand-messes nazies de Nuremberg) me semble terrifiante. Que dirions-nous si une telle cérémonie à huis-clos, devant un océan de tissus, d'ampoules électriques, et la seule Nomenklatura, excluant toute participation populaire, se déroulait en Corée du Nord ? Qu'une partie de la planète soit soulagée de voir déguerpir la racaille Trump, est une chose. Anticiper que le cauchemar se dissipe par magie est est autre chose. 

En vérité, toutes les images qui nous parviennent des États-Unis sont des images de décomposition, et de pré-guerre civile. C'est dans une capitale en état de siège que Biden et Harris devraient prêter serment aujourd'hui. Et devant  un Capitole où s'entassent et dorment, dans les couloirs, à même le sol, comme dans un territoire à peine reconquis, des militaires en armes de la Garde Nationale (on apprend ce matin qu'une douzaine d'entre eux ont été exclus de l'intronisation après enquête du FBI, pour cause de "comportements douteux détectés dans le passé").

Il faut s'en méfier, comme de toutes les images. Mais sans être particulièrement prophète, on peut anticiper que deux dynamiques vont s'affronter dans les mois qui viennent. Celle de la détrumpisation, avec excuses publiques d'une partie des trumpeurs (le processus a déjà commencé, lire notre enquête). Mais la machine à désigner des traîtres et des comploteurs ne va pas s'enrayer aujourd'hui. D'autant que soixante-dix millions de trumpés-trumpeurs, de consommateurs, de téléspectateurs, d'internautes c'est un sacré marché, pour les anciens et nouveaux médias ! Les lumières éteintes, les drapeaux repliés, dès que la nouvelle administration commencera à décevoir, comme déçoit tout pouvoir, les GAFA tiendront-ils bon sur la ligne "citoyenne" des dernières heures ?


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