Trump : rire du boss
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 33 commentaires
Et donc, l'assemblée générale de l'ONU a bien ri. Quelle poilade ! Trump venait d'entamer son discours par un auto-éloge, quand il a été interrompu par un éclat de rire quasi-général, l'obligeant à interrompre quelques secondes son glorieux bilan économique. Et les medias français de faire pieusement buzzer la vidéo de cette franche rigolade. Ce Trump, tout de même, quel pitre ! Voyez comme il fait rire le monde entier (enfin, un monde légèrement rétréci puisque la Russie, la Chine et l'Inde boycottent l'assemblée générale, mais qui l'a signalé en France ?) Ah, si on ne l'avait pas !
U.N. audience can be heard laughing following Trump's claims that his administration has accomplished 'more than almost any administration in the history' of the U.S. pic.twitter.com/QxmYDnONov
— Reuters Top News (@Reuters) 25 septembre 2018
Pendant ce temps, dans les coulisses de la même assemblée générale, et dans une relative indifférence, la "ministre des affaires étrangères" de l'UE, Federica Mogherini, convoquait une conférence de presse pour annoncer la géniale découverte de l'UE, afin de tenter de contrer les sanctions unilatéralement décrétées par Trump contre l'Iran (je vous en avais parlé ici, et ici, et encore ailleurs...) : un système perfectionné de troc. Il m'a fallu surfer assez longuement, pour comprendre finalement, dans Les Echos, le fonctionnement présumé du bidule, à base de troc, pistaches contre voitures. Mais en dépit de la fureur du gouvernement américain, le bidule, de ce que j'en comprends, n'est pas près de fonctionner. Et n'a aucune chance de ramener en Iran les entreprises qui ont été contraintes d'en partir, pour ne pas encourir les représailles trumpiennes. Bref, plutôt que de touiller notre défaite, rions donc.
Depuis l'élection de Trump, la presse française, entre colère et inquiétude, ne fait que cela : dès qu'elle peut, dès qu'il se prend les pieds dans le tapis, rire du big boss. Convertir en rires sa colère et son inquiétude. Surmédiatiser la chronique de sa chute imminente, sous le poids accumulé des scandales sexuels, et de la trahison poutinienne. En attendant, Trump est encore là, plus soutenu que jamais par ses électeurs, comme le rappelait voici quelques semaines un très instructif (et totalement à contre-courant) numéro de Complément d'enquête, sur France 2.
Prendre acte de la bonne fortune économique de Trump (même si l'héritage Obama y est pour beaucoup), du soutien dont il bénéficie parmi ses électeurs, est-ce concéder à Trump ? Est-ce soutenir Trump ? Est-ce oublier une seule seconde le danger que sa brutalité et son égoïsme représentent potentiellement pour la paix mondiale, et sa nocivité avérée pour l'équilibre écologique de planète ? Non. C'est simplement dire ce qui est. C'est simplement dire que le réel est complexe, désespérément complexe.