Transparence : matons les voyeurs

Puisque c'est l'ordre du jour, un peu de transparence.

Vous êtes-vous précipités sur le site de Matignon, hier soir ? Et dans quel état d'esprit ? Avec gourmandise, indignation, fatalisme ? Avez-vous ouvert toutes les fiches des ministres ? Dans quel ordre ? Avez-vous attendu le JT ? Et quand vous écoutez maintenant un ministre, voyez-vous apparaître, en surimpression, l'image fantasmatique de sa résidence secondaire ?

Il y a toutes sortes de consommateurs de transparence. Il y a ceux qui se contenteront de ricaner sur l'étalage de scooters et de vélos. Ceux qui se lanceront dans des investigations à la Mediapart, éplucheront, compareront les prix de l'immobilier dans les régions concernées, ou l'Argus des Clio, afin de déceler d'éventuelles fraudes. Sans parler des réactions qui nous trahissent idéologiquement. Tiens, un petit test, façon magazine feminin sur les plages. Avez-vous été principalement:

1) sceptiques sur le fait que l'on puisse être socialiste et millionnaire ? Vous êtes de gauche.

2) Indignés que l'on puisse gérer les deniers publics, et laisser tant de dizaines de milliers d'euros dormir sur des comptes courants qui ne rapportent rien ? Vous êtes de droite.

Le plus intéressant, dans ce palmarès du patrimoine ministériel, ce n'est pas ce qu'il révèle sur la valeur de leur appartement ou le montant de leur compte courant, toutes informations qui se révèlent d'une attristante banalité (oui, il y a des riches et des pauvres, et vos médias habituels vous offriront sur ces points tous les détails, toutes les statistiques, tous les classements). C'est ce qu'il révèle sur ceux qui le regardent (ou non). Sur nous. Oui, nous, à qui l'on tend cette sucrerie: tout savoir de ce que possèdent ceux qui nous gouvernent. Pour une fois, regardons les voyeurs.