Terres rares : que faire d'un problème sans solution ?

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 76 commentaires

Pour écrire cette chronique, pour la lire, pour la facebooker et éventuellement la re-tweeter, j'ai, vous avez, vous allez entamer l'écorce terrestre. Pour fabriquer le smartphone, l'ordinateur, sur lesquels nous nous informons et jouons à Candy crush, des métaux rares ont été nécessaires, dont l'extraction et le raffinage, essentiellement en Chine, sont gravement polluants. Et ce n'est pas le pire. Le pire, c'est que tous les matériaux nécessaires à la transition énergétique (éoliennes, panneaux solaires, voitures électriques) sont également consommateurs de ces métaux rares.

"Pour vivre propre, il faut des métaux sales". "Derrière le cloud, il y a des mines de charbon" "le visage sale des technologies vertes" : ce sont quelques unes des accroches d'articles que nous propose Google News, en réponse à une recherche "métaux rares Guillaume Pitron". Guillaume Pitron est un journaliste français (notamment au Monde Diplomatique et à Géo) qui a publié en janvier un livre-somme sur le sujet, "La guerre des métaux rares". Il était ce matin l'invité de France Culture. Autant dire que France Culture ne s'est pas précipitée pour l'inviter. Personne ne s'est d'ailleurs précipité pour s'emparer du sujet (et nous non plus, mais il est reçu en revanche chez nos camarades de Hors Série). Si le livre de Pitron a été par exemple célébré par Le Fig Mag, trop heureux de voir dévoilée "la face cachée du nouveau monde uberisé et écolo-friendly", si de nombreux medias en ont fait une recension ponctuelle, il n'a pas, pour l'instant, réussi à s'imposer dans "la conversation nationale". Qui aurait pu l'imposer ? Les grands partis politiques croissancistes n'ont évidemment aucune solution à proposer. Quant aux medias, dont la fonction est de sonner l'alerte, ils sont pris à contre-pied.

"La guerre des métaux rares" est le porteur de ce qu'on pourrait appeler une très mauvaise nouvelle. Pourquoi cette mauvaise nouvelle a-t-elle mis si longtemps pour nous parvenir ? Parce que cette pollution, en Chine, a été invisibilisée. Et aussi parce que cette nouvelle nous dérange. Pour que nous soyons réceptifs aux mauvaises nouvelles, par exemple au changement climatique ou aux menaces sur la biodiversité, les porteurs de ces mauvaises nouvelles doivent nous fournir aussi des solutions clés en mains, des manières d'éviter l'apocalypse, comme l'expliquait par exemple sur notre plateau Laurence Tubiana, négociatrice française au sommet de Copenhague. La révélation sur les terres rares est non seulement une mauvaise nouvelle sans solution -pour l'instant- mais elle vient percuter les solutions auxquelles nous adhérions. Elle est donc particulièrement inaudible.


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