Stromae, sept ans après

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 95 commentaires

"Un grand moment de télé". "Un KO télévisuel". "Un uppercut". "Stromae réinvente la télé". Impossible, dimanche soir, sur les réseaux, d'ignorer qu'il vient de se passer quelque chose au 20 Heures de TF1, ce vaste territoire aujourd'hui si éloigné des fronts brûlants de l'info, où il ne se passe plus jamais rien (sauf quand il reçoit Zemmour). Quelque chose mais quoi ? Attention les yeux : Stromae a chanté son dernier single. C'est tout ? Oui, mais il l'a chanté par surprise, à la septième minute de l'interview, alors qu'il avait parlé sept minutes. Il nous a cueillis avec L'enfer dont il revient, il nous a balancé un enfer de promo, au milieu de cet enfer sucré, atténué, comestible, qu'est chaque soir le 20 Heures de la "chaîne culpabilité".

Par surprise ? Bien sûr que non. Anne-Claire Coudray est complice. Stromae a sagement attendu le début de l'accompagnement musical avant d'attaquer la chanson. Du reste, le rédacteur en chef de TF1 confirmera le lendemain matin que les négociations avec l'équipe du musicien qui souhaitait "casser les codes" ont duré "plusieurs semaines". Plusieurs semaines ? Est-ce sur le choix de la chanson, cet Enfer, plutôt que le magnifique Santé, hymne aux invisibles ?

En réalité, ce qui aurait été surprenant, c'est que Stromae, pour son retour, ne nous mijote pas un coup. Ce n'est pas son premier hold-up dans le réel, ou dans une image de télé, ce pauvre reflet du réel. En 2013, il interprète Formidable sur le rond-point Louise, une grande place de Bruxelles, au milieu des trams, des voitures et des passants. Et à la télé, il vient la chanter au milieu des invités de Taddéi, qui viennent de débattre de la Syrie, ou des allocs.

Quoi de neuf, donc, dans ce retour ? L'immobilité hiératique du Revenant. Quand le corps dégingandé brelien se déployait débraillé sur les trottoirs mouillés, ou sur le plateau de Taddéi, c'est un Stromae costume-cravate, un Stromae présidentiel, qui balance sa dépression et ses pulsions suicidaires devant Anne-Claire Coudray. Sept ans ont passé.


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