Ce que dit le "Bonsoir" de Gilles Bouleau

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 101 commentaires

Bien sûr, dans le peloton rameuté par la Bollorie contre Gilles Bouleau, après son interview de Zemmour au 20 Heures de TF1, figurent au premier rang les mercenaires de CNews. Praud a même ressorti du formol un certain Gérard Carreyrou (79 ans), ancien directeur de l'information de TF1, qui se souvient qu'à son époque, à l'époque de ces journalistes flamboyants du nom de PPDA ou Claire Chazal, jamais un candidat n'aurait été traité ainsi. Pour mémoire, c'est Carreyrou qui avait remplacé Anne Sinclair à 7 sur 7 en 1988, quand elle avait refusé de recevoir Jean-Marie Le Pen.

Mais la réprobation va plus loin. "Je ne partage aucun des diagnostics d'Eric Zemmour", commence sur BFMTV Alain Duhamel (81 ans), avant de se dire "surpris et choqué" par l'interview de Bouleau. 

"Je tiens à préciser que vous êtes à l'opposé des idées d'Éric Zemmour" dit Hanouna, sur C8, à son chroniqueur Gilles Verdez, lequel estime que "TF1 a voulu se payer Éric Zemmour"

S'étant ainsi décerné le brevet de non-zemmourisme, Duhamel et Verdez n'en sont que plus à l'aise pour s'estimer, au nom des Règles Immanentes du Journalisme Politique, choqués par l'interview de Gilles Bouleau. A l'image de Zemmour  lui-même ("Z'avez pas vu ma mue ?") qui, à en croire Le Parisien, a traité Bouleau de "connard" en sortant du studio, devant des journalistes de TF1. Poursuivi, mis en examen, condamné, un politique reste un politique.

Plus convaincant est le montage de Hanouna (voir ci-dessus), que nous aurions pu faire ici, sur le contraste entre les "bonsoir" cordiaux de Bouleau à Mélenchon et Xavier Bertrand, et son "bonsoir" contrit à Zemmour. Ce "bonsoir" contrit est évidemment une erreur professionnelle. Il tend une perche, dont se sont saisis les mercenaires de Bolloré, pour victimiser Zemmour.  Il va donner corps à la théorie que colporte sur les réseaux la zemmourosphère : si le groupe Bouygues est à ce point anti-Zemmour (suivez mon regard, voyez Yann Barthès), c'est parce qu'il s'est construit sur l'exploitation des immigrés ! CQFD.

Mais nous sommes sans doute un certain nombre à nous sentir exprimés par ce "bonsoir" maussade. Non, Zemmour n'est pas un candidat comme un autre. Ne serait-ce que pour une raison, s'il faut encore la rappeler : il a été deux fois condamné pour incitation à la haine raciale. L'anomalie de ce moment, ce ne sont pas les questions de Bouleau, qui rappellent ces condamnations de Zemmour. C'est que rien dans la loi française n'a pu empêcher cette folle situation. C'est ce consensus indicible : même condamné, le racisme anti-musulmans, anti-Arabes, anti-Noirs, n'est pas un "vrai" délit. Duhamel, Verdez ou Hanouna n'ont pas métabolisé l'ignominie zemmourienne. 


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