Scoop : le porte-avions, c'est du cinoche
Daniel Schneidermann - - Silences & censures - Coups de com' - Le matinaute - 77 commentaires
Sur le futur porte-avions à propulsion nucléaire, successeur du Charles-de-Gaulle, dont Emmanuel Macron vient d'annoncer la mise en chantier, nous saurons tout. Tout ce que nous avons le droit de savoir. Sa longueur (plus grand que le Charles-de-Gaulle). Sa largeur (plus importante que le Charles-de-Gaulle). Ses cabines pour l'équipage (plus spacieuses que celles du Charles-de-Gaulle, leçons du Covid obligent). Les bienfaits de ses chaudières nucléaires, qui vont permettre le maintien à niveau du "savoir-faire français"
. La date de sa mise en service (2038). La date de sa mise en ferraille (2080). Son prix de 5 milliards (indicatif). Son appartenance à "la famille du combat collaboratif"
.
Et même la "dépendance assumée à l'égard des États-Unis"
qu'impliquent ses catapultes électromagnétiques. La seule chose qui n'est pas précisée, dans les argumentaires fournis par le ministère des Armées aux attentifs journalistes spécialisés, c'est... son utilité.
Jugez donc de ma surprise, ce matin, en tombant sur une question impertinente de Guillaume Erner à son invité, sur le mode : "Mais au fond, à quoi sert ce porte-avions ? Les cibles ne seraient-elles pas accessibles depuis les bases aériennes françaises, ou les bases de pays alliés ?"
Et surtout, en entendant la réponse. En fait, accrochez-vous au bastingage, le porte-avions, c'est du cinoche. "Quand une crise se déclenche,
commence l'invité, le président décide d'envoyer le porte-avions. Le porte-avions, il se voit, il quitte Toulon, il y a beaucoup de reportages télévisés, c'est très visuel, depuis
Top Gun on sait bien que il y a une fascination pour les images du porte-avions."
Ah ? Cinq milliards (que je renonce à convertir en lits d'hôpitaux ou en ouvertures de classes), cinq milliards pour un décor de film (et, soyons justes, aussi un décor de réveillons télévisés de Michel Drucker) ?
L'invité de France Culture n'est pas un gauchiste antimilitariste recruté à Notre-Dame-des-Landes, c'est l'un des meilleurs journalistes français de défense, Jean-Dominique Merchet, aujourd'hui au quotidien patronal L'Opinion
après être notamment passé par Libération
. Et ce n'est pas la première contestation de l'utilité du mastodonte, régulièrement taxé de gros machin superflu par les journalistes spécialisés (voir ici), sans que jamais soit engagé sur le sujet un véritable débat. Il est vrai qu'un homme seul décide déjà du caractère essentiel, ou non, des boules de sapins de Noël. Alors, contentez-vous de regarder Drucker !
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